Un article NylonPur – images d’illustration fournies par NylonPur, à partir de scans des magazines du club.
Un fétichisme qui compte de nombreux adeptes, hommes et femmes : un club les réunit pour des rencontres, des comparaisons, des exhibitions.
« Fétichiste depuis toujours, j’ai énormément de mal à satisfaire mon fantasme sexuel favori : les femmes portant des chaussures à talons très hauts ou des cuissardes. À part quelques prostituées, je ne vois pas où je pourrais trouver de telles femmes… «
GL, d’Oyonnax, évoque de façon précise le premier problème qui se pose aux fétichistes du talon aiguille. Rares, très rares sont celles que l’on peut croiser dans les rues, les administrations, les bureaux, les magasins, juchées sur des talons fins qui excèdent six ou sept centimètres de hauteur. Mais, pour le véritable fétichiste, il n’est de talon aiguille qu’à partir de dix centimètres, neuf à la très grande rigueur. Or peu de fabricants en proposent dans leurs collections.
M. J.L.C., de Paris, de son côté, raconte : « Des nombreux attraits de ma femme, les plus jolis sont ses pieds. Elle porte des mules ou des sandales à lanières de cuir et talons vertigineux. Complice de mon fétichisme, il ne se passe pas de semaine qu’elle n’achète de nouveaux souliers… Elle n’a pas protesté lorsque, par jalousie, j’ai commencé à lui lier les mains dans le dos pour qu’elle ne puisse même pas toucher ses chaussures. Je voulais garder cette excitation pour moi seul. Tout irait pour le mieux si, depuis un certain temps, je n’étais pas obsédé par un autre désir : je serais puni et ligoté par elle et ses jolis pieds chaussés d’escarpins aux talons aigus deviendraient les instruments très cruels de ma punition… «

À en croire la légende, en se juchant sur des talons hauts, la femme prend l’initiative sexuelle, s’attribuant le rôle actif réservé à l’homme. La domination est née. Et le talon haut, aigu de préférence, devient expression de pouvoir, image d’un pénis toujours dur comme le bois, capable de pénétrer, s’enfoncer, déchirer. Les hommes masochistes embrassent avec terreur et volupté la chaussure à haut talon de leur « maîtresse » qui leur écrasera, quelques instants plus tard, la poitrine ou les testicules.
Mais si le talon aiguille comble le masochisme masculin, il en excite aussi le sadisme. Avec de petits pieds raccourcis par la cambrure, mal assurés sur leurs fragiles talons, la femme ne peut que faire de petits pas, elle est incapable de courir, donc de fuir, et se trouve de la sorte à la merci du désir sexuel de l’homme.
Ce qui frappe dans la personnalité de Patrick L., 35 ans, marié à Anne-Lou, père de trois enfants, c’est peut-être moins son fétichisme que sa façon d’en parler. Non content de collectionner les chaussures, sandales, mules, escarpins à talons aiguilles dont il possède quelque deux cents modèles, tous d’un raffinement exquis dans le choix des matières, les alliances de couleurs, le décor des talons (certains sont incrustés de gerbes de strass minuscules), il a créé le » Club 50-60 « , à l’intention de ceux, hommes et femmes, qui partagent ses goûts, sa nostalgie, son érotisme. Il explique : « Je suis né en 1949. Gamin, j’ai vu autour de moi, dans ma famille, dans la rue, des femmes qui portaient des chaussures à talons aiguilles. C’était la mode. Dans tous les films de cette époque, la femme troublante, fascinante, érotique, la « vamp » qui séduisait irrésistiblement les mâles, portait de fines chaussures à talons aiguilles et des bas à couture. Mon adolescence timide s’est trouvé des fantasmes dans les images de Sophia Loren, de Martine Carol, de Rita Hayworth, de Marilyn Monroe. Faute d’oser aborder les jeunes femmes que je convoitais, je les introduisais dans mon espace imaginaire avec les vedettes dont la sensualité me faisait rêver. Toutes, bien sûr, je les voyais avec des talons aiguilles… »

Dans un exposé sur « Le talon », un collectif d’étudiants écrivait récemment: « Le talon haut donne des contours plus nets à la cheville et, à la jambe, un aspect plus sexy. Il fait paraître le pied plus petit, la cambrure plus féminine. Il provoque des changements de la démarche et accentue le caractère voluptueux de la forme, des mouvements, des membres inférieurs, du bassin, des fesses, de la poitrine, de la ligne du dos… Tout le monde sait que les hauts talons peuvent transformer sensuellement l’allure d’une femme. Exemple, le célèbre balancement des hanches de Marilyn Monroe qui n’aurait jamais été possible avec des talons plats. Sa démarche voluptueuse était littéralement fascinante. »
Et c’est une véritable fascination que nous avons rencontrée chez les adhérents du « Club 50-60″ et chez Patrick L. Outre sa femme, Anne-Lou, il y avait là trois couples, Marie-Claude et François, Christiane et Jean-Paul, Nicole et Patrick, ainsi que deux hommes, Philippe, dessinateur et Jean-Pierre, photographe. Les quatre femmes, est-il besoin de le préciser, portent des sandales à hauts talons aiguilles. Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, elles ne réservent pas la chaussure à talon aiguille, escarpin, sandale, salomé, aux seules réceptions où l’élégance de rigueur la justifie. Elles la portent à longueur de journée, dans l’exercice de leur profession, en vaquant à leurs occupations, même en vacances. Ce qui n’est pas toujours très confortable, ni rassurant, quand l’étroit talon vacille sur des pavés inégaux ou se coince entre les rainures des marches des escaliers mécaniques. De l’avis unanime des quatre femmes présentes, la hauteur maximum de talon supportable est de dix centimètres, onze centimètres pour Anne-Lou et Marie-Claude bien qu’elles connaissent une femme fort l’aise sur un talon de douze centimètres. Patrick L. s’explique sur la possibilité d’atteindre ces hauteurs vertigineuses : » C’est une question de cambrure du pied. Plus le pied est cambré, plus il supportera des talons hauts. L’essentiel c’est que la pointe du talon soit un point parfait de soutien. Il donc que la cambrure de la semelle épouse au plus près la courbe du pied pour qu’il s’y repose. Il est possible, à Paris, de trouver au moins trois hauteurs de talons aiguilles en deux cambrures différentes. »
Ce sont les hommes qui fétichisent la chaussure à talon aiguille et lui consacrent un budget relativement important : de deux mille à trois mille francs par an. Ce qui ne représente guère que six paires de chaussures annuellement. Car des chaussures à talons aiguilles bien équilibrées, bien finies, sont à un prix de vente assez élevé, voire onéreux quand les modèles sont très raffinés de forme, de style, de matière. Aussi François regrette-t-il de n’avoir pas les moyens pour satisfaire son penchant d’offrir à Marie-Claude une paire de chaussures par semaine, comme on apporte un bouquet de fleurs.

Jean-Paul, lui, bien que les chaussures, de tous les articles vestimentaires, soient celui qu’il est le plus nécessaire d’essayer, n’hésite pas, quand il en découvre qui lui plaisent particulièrement, à les acheter pour Christiane ou, tout au moins à les lui signaler.
Le second Patrick, avec sa femme Nicole, quand ils voyagent, forment un couple de touristes peu commun : ils s’intéressent presque exclusivement aux marchands de chaussures de la ville. Que ce soit en France, en Angleterre, en Italie ou en Espagne, ils traquent la chaussure à talon aiguille comme d’autres se précipitent de musée en église à la recherche de l’œuvre réputée exceptionnelle.
Amateur éclairé, Philippe, qui ne saurait dessiner de jambes féminines que chaussées de talons hauts et fins, justifie anatomiquement ses goûts : « Pour moi, le talon aiguille est caractéristique de la légèreté. Il allège la démarche et la jambe. Si vous regardez des animaux dont l’allure est particulièrement élégante, comme le cheval, le cerf ou la gazelle, vous vous apercevez qu’ils ne marchent ni ne courent, comme les humains, sur toute la surface de leur pied, mais uniquement sur l’extrémité onglée. Ce qui leur donne finesse et grâce. «
Bien que le président et les adhérents masculins du « Club 50-60 » se soient étendus sur l’esthétique du talon aiguille, sans rien spécifier de leur intimité sexuelle, du versant sadique ou masochiste qui les portaient à le fétichiser, tous révélaient un aspect rare dans le fétichisme, d’habitude essentiellement solitaire, dissimulé, secret : la complicité. Une complicité de goûts, aussi innocente que les échanges de timbres des philatélistes ou les réunions d’amateurs de billard.
Le « Club 50-60 », outre un bulletin de liaison consacré aux chaussures à talons aiguilles, aux bas à couture, aux sous-vêtements coquins, outre des manifestations où mannequins et jeunes femmes s’exhibent dans ces attributs symboliques de la féminité, le « Club 50-60 » propose à ses adhérents, mais uniquement à eux, des chaussures à talons aiguilles qu’il sélectionne chez les fabricants, de préférence en France, mais aussi à l’étranger, en regrettant que la production soit aussi limitée pour les amateurs aux revenus modestes.
Le « Club 50-60 », qui rallie quelque deux cents adhérents, dont 35 % de femmes, s’efforce, par l’intermédiaire de son président, Patrick L., de satisfaire les demandes et commandes qui lui sont faites. Même quand un monsieur, sur les 65 % d’adhérents mâles, souhaite recevoir des chaussures dont la pointure excède le 40. Sans nul doute, elles ne sont pas destinées à un pied féminin.

Informations complémentaires
Si vous voulez avoir d’autres informations sur le club 50-60, je vous invite à explorer la playlist de NylonPur à ce sujet, vous aurez de quoi faire avec 36 vidéos !
Veuillez noter toutefois qu’il a cessé ses activités et est aujourd’hui dissous. Je ne suis pas en mesure de vous dire si d’autres groupements similaires ont vu le jour depuis.

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