Les hauts et les bas du porte-jarretelles

Éditions VSD – Un article NylonPur

Pour se fixer nos coeurs et sur nos jambes, ils ont connu une histoire mouvementée, pleine de batailles, de fausses entrées et de bonds en arrière

Si Herminie Cadolle, corsetière de son état et suffragette de la lingerie a créé le soutien-gorge en 1889, si Paul Poiret, le couturier, a imposé la gaine dès 1911, la paternité du porte-jarretelles est plus ardue à établir car personne ne semble vouloir la revendiquer1.

L’histoire du collant et du bas, accessoire obligé du porte-jarretelles, remonte à plus de mille ans. Au cours des siècles, les matériaux changent, les formes bougent. D’abord en lin au Ve siècle après Jésus-Christ, puis en cuir fin pendant le Moyen Age, ils sont directement cousus au reste du vêtement et arborent la couleur jusqu’au XVIe siècle. En pleine période baroque et rococo, on porte des culottes collantes avec des bas à mailles de soie, enfilés les uns sur les autres pour se préserver du froid.

C’est au XIXe siècle, innovateur en matière de jupons, où règnent encore les corsets et les innombrables drapés qui avantagent le fessier, que les femmes se mettent aux bas en fils épais et noirs, maintenus par une jarretière. Les hommes voient leurs bas se métamorphoser en chaussettes avec l’arrivée du pantalon long.

Naissance du  » petit appareil « 

C’est en 1876 que le fabricant Féréol Dedieu invente les jarretelles, rubans intégrés au corset, terminés par des pinces qui tiennent le bas. Il crée un nouveau support, le porte-jarretelles, surnommé « le petit appareil ». Mais personne n’en veut encore. Un an plus tard, Haynes et Barker brevètent les bretelles jarretières américaines et habillent de cuir le porte-jarretelles. Rien n’y fait. Les élégantes françaises s’obstinent à porter la jarretière. À l’étranger, l’invention séduit et les inventeurs continuent d’innover, tandis que les exportations vont bon train. Outre-Manche, les Anglaises adoptent, dès 1878, le « suspender » qu’elles portent avec l’incontournable corset. Le porte-jarretelles poursuit son petit bonhomme de chemin et part à la conquête de l’Ouest où il lui faudra quelques années pour s’imposer.

En France, c’est l’apparition du corset Léoty qui fixe la jarretelle dans les moeurs. Mais celle-ci reste toujours attachée au corset, qui sert aussi bien à tenir les bas qu’à les tendre, le porte-jarretelles n’étant pas encore d’actualité. Sous l’impulsion d’Herminie Cadolle, qui le desserre en le divisant, et de Paul Poiret, qui propose la gaine souple, le corset disparaît progressivement. Après être revenu un temps aux jarretières, Paul Poiret revient aux jarretelles et les associe naturellement aux porte-jarretelles alors indispensables.

Jusqu’en 1914, les femmes portent des bas ajourés, la plupart du temps en dentelle de soie ou de crêpe, ornés de motifs floraux. La Grande Guerre va rompre avec l’élégance, car les femmes qui travaillent doivent choisir un style vestimentaire plus pratique. Les silhouettes se modernisent avec les jupes et les chemises qui se raccourcissent. Après la guerre, la mode garçonne n’oblige pas aux seuls porte-jarretelles : les femmes optent pour la ceinture porte-jarretelles ou retournent à la jarretière en roulant leurs bas à mi-cuisse.

Dès 1928, et jusqu’à l’aube de la Seconde Guerre mondiale, les robes rallongent et la célèbre culotte Petit Bateau, d’abord destinée aux enfants est rapidement sollicitée par les adultes, supplantant peu à peu la combinaison-culotte et le pantalon de dessous qui doivent prendre leur retraite. C’est donc l’avènement du porte-jarretelles ou de la gaine porte-jarretelles devenus nécessaires au duo soutien-gorge et culotte, à présent entré dans les habitudes vestimentaires.

Lucette Desmoulins, actrice française de l’entre deux guerres.

Et la mode file vers le bas

Une maquilleuse peint une couture sur la jambe d’une femme pour donner l’illusion d’un bas, pendant les pénuries de la 2e Guerre Mondiale, Royaume Unis, 23 mai 1940 (Photo par A R Tanner/Getty Images)

Sous l’Occupation, les tissus se raréfient. Effets secondaires inévitables : la jupe remonte au-dessus des genoux, la culotte se transforme en slip et les bas s’éclipsent. Les femmes portent alors des chaussettes reléguant une nouvelle fois le porte-jarretelles aux oubliettes, sauf pour les plus fortunées et les prostitués. Les plus nostalgiques inventent des stratagèmes et vont jusqu’à enduire leurs jambes de fond de teint ou de lotions colorantes, lancées par quelques parfumeurs pour imiter le beige de la soie, et dessiner au crayon à sourcils l’indispensable couture qui file le long de la jambe. Pour un trait parfait, elles ont besoin de l’aide de leur entourage et bon nombre de jeunes gens connaîtront leurs premiers émois devant les jambes nues de leur petite amie ou de leur grande sœur. Mais ces ruses ont des limites. Les bas illusoires fondent à la première pluie et certains colorants sucrés attirent les chiens comme des mouches.

En 1937, aux Etats-Unis, Wallace H. Carothers invente le Nylon, cette fibre qui va révolutionner le monde du textile. Cette matière va d’abord servir à confectionner les parachutes et les premiers bas en Nylon ne déferleront sur l’Europe qu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Après les privations et les années difficiles, l’industrie corsetière repart et le porte-jarretelles reprend du galon. Plus sophistiqué, il se pare de dentelles, il est en soie, en coton ou en Nylon. Le collant fait une fausse entrée au début des années cinquante mais, en laine ou en fibre acrylique, il est essentiellement destiné aux enfants. En 1958, une version en mousse de couleur chair, le collant Mitoufle s’adresse aux femmes qui portent encore des bas à couture alors que, depuis 1956 déjà, le sans-couture est lancé sur le marché.

La minijupe coupera court à ces timidités en provoquant un bouleversement irréversible dans la lingerie. Il n’est plus question de porter des bas, le collant colle à l’époque. Plus pratique, moins onéreux et plus couvrant, il va bien aux jambes et libère le mouvement. Depuis lors, les femmes oscillent perpétuellement entre collants et porte-jarretelles pour jouer avec leur image. Libérée ou séductrice, tout est possible, tout est permis.

  1. la suite de l’article va juste prouver le contraire, le journaliste était-il juste content de placer une jolie « accroche » ? ↩︎


2 réponses à « Les hauts et les bas du porte-jarretelles »

  1. […] Les hauts et les bas du porte-jarretelles, en quelque sorte l’Histoire du bas… par le haut ! […]

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  2. […] moi-même utilisée il y a quelques temps pour illustrer un article NylonPur traitant de l’Histoire du porte-jarretelles. Bien (trop) souvent, les modèles qui apparaissent sur ces photos sont anonymes et se contentent […]

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