Pendant ce temps, sur les réseaux sociaux

Il y a quelques temps, je suis tombé sur une discussion sur Threads. La question était posée par une femme, qui se demandait « comment faire disparaître ça », montrant un petit bourrelet sur son ventre. J’ai essayé d’anonymiser aussi bien l’image, merci à toute personne (bien improbable) qui aurait vu passer la discussion de rester discrète :

Sur ce coup, je me suis abstenu de répondre1. J’ai lu un certain nombre de réponses, j’ai vu un certain nombre de théoriciens expliquant qu’on ne peut rien faire parce-que c’est l’utérus. Une réponse particulièrement intéressante est venue sous cette forme :

Je vais être honnête avec vous : je ne sais pas si l’explication est vraie ou non, même si mes notions d’anatomie féminine m’incitent à penser que ce n’est effectivement pas l’utérus – sauf grossesse, mais dans ce cas je pense que la dame ne se poserait pas de question sur cette petite bosse. Non, en fait, ce que je trouve remarquable ici, c’est que la personne qui répond donne la technique pour faire disparaître ce bourrelet disgracieux : un régime, et beaucoup de temps en salle de sport.

Cette réponse a éveillé une réflexion en moi : le sous-vêtement féminin jusqu’aux années 60 est considéré aujourd’hui comme une prison qu’utilisaient les hommes pour contrôler et enfermer le corps des femmes. Pendant la décennie des années 60, les femmes ont effectivement fait sauter le verrou de cette prison. Mais leurs filles ou petites filles en ont créé une autre, bien plus insidieuse : elles ne porte plus de corset autour de la taille : aujourd’hui, le corset est dans leur tête, il est dans cette injonction : sois mince, sois belle, sois conforme à l’image que tu te fais de la beauté, image influencée par les beautés photoshopées des magasines. Cette représentation de la femme est peut-être en train d’évoluer, j’ai l’impression que les publicités dans ces années 2020 montrent un peu plus de femmes « réalistes », au minimum elles précisent l’utilisation d’images retouchées. Au prix peut-être de la perte d’une image aujourd’hui un peu oubliée de la femme, celle dont Christian Dior en son temps a révélé ce qui sera peut-être le dernier avatar. D’ici à ce que cette évolution se fasse aussi dans les têtes, je pense que ça va prendre un peu de temps. En attendant, je ne suis pas certain que les femmes aient gagné au change, en échangeant leurs gaines contre des heures en salle de sport !

  1. parfois, j’ai vraiment du mal, même si je sais que dans le fond ça ne servira à rien… ↩︎


3 réponses à « Pendant ce temps, sur les réseaux sociaux »

  1. Pas mal vu en effet. Le port de la gaine, avatar soft du corset, était avant tout une affaire d’esthétique. Je ne crois pas que les femmes, en en portant, subissaient la domination masculine. Je parle de mes propres souvenirs de mon enfance. Même si la mode est toujours liée au social, le costume trois-pièces des hommes, avec cravate, même pour les employés de bureau était aussi une norme esthétique et il ne faut pas y voir non plus la domination de la société capitaliste et du patronat. Que la perception des femmes de leur corps et de leur apparence ait changé c’est autre chose et c’est tant mieux car nous devons rester maîtres, femmes ou hommes d’ailleurs, des tenues que nous portons dans l’espace privé et public. À elles, à eux, à nous d’en faire notre affaire en tant qu’individus responsables. S’habiller, dessus et dessous est un plaisir personnel – projeté dans le couple ou dans le groupe – avant d’être un devoir de société. Je pense que nous avons passé le cap de l’injonction, il n’y a qu’à ouvrir les yeux sur le spectacle du quotidien, la norme n’existe plus guère sauf par défaut, au travers d’un manque d’élégance, d’inventivité et de joie de vivre.

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    1. Tout à fait. J’ai quelques articles en préparation sur des sujets similaires, sur des questions de normes sociales, d’oppression ou, de façon plus légère, simplement d’élégance. Celui-ci vient en quelque sorte en préambule 🙂
      Je crois en tout cas que nous sommes d’accord sur le fond.

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  2. […] les gaines en général. De nos jours, la gaine, ouverte ou non, peut toujours être utilisée pour cacher quelques rondeurs disgracieuses, bien que ce ne soit plus un réflexe. On préférera sans doute mettre des collants qualifiés de […]

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