Différences

Préambule : j'ai rédigé cet article un matin, au cours d'un trajet en train. Je suis parti d'une idée de base, que j'ai déroulée et suivie jusqu'à sa conclusion, à laquelle je ne m'attendais pas vraiment. Pas de plan, donc. 
Bonne lecture !

J’ai envie d’explorer ici un sujet assez délicat, en essayant d’éviter tout discours politique ou militant, j’ai un peu de mal parfois mais ce n’est pas le lieu pour ça : les différences entre les femmes et les hommes. Je voudrais évacuer un point d’entrée de jeu : en dehors de la biologie rien ne justifie la moindre différence en droit. Les corps masculins et féminins étant différents il me semble normal de prendre quelques aménagements1, ne serait-ce que pour prendre en compte le fait que seule la femme porte les enfants pendant les premiers mois. Mais n’aurais-je pas déjà un peu glissé dans la politique, là…?

Venons-en, si vous le voulez bien, au sujet du vêtement – après tout, c’est un peu l’idée de base de ce site : parler de vêtements, et surtout de sous-vêtements, féminins. Du côté des vêtements, jusqu’au début des années 60, il existait un dimorphisme important, même si les choses commençaient à frémir : aux hommes les pantalons, chemises, vestes. Aux femmes, les robes, jupes, chemisiers, fourrures. Comme je le disais les choses commençaient à bouger : si l’activisme de George Sand était resté sans lendemain dans son siècle, si les pantalons de Marlène Dietrich n’ont pas séduit d’emblée, la garde-robe féminine a commencé à changer dans les années 50. Avant le coup de grâce avec Yves Saint-Laurent et Courrèges dans les années 60. Depuis, on a assisté à une grande fusion : si dans les années 1920 une femme dont la tenue évoquait quelque-chose de masculin était qualifiée de « garçonne », 50 ans plus tard sa fille ou sa petite fille pouvait piocher dans tout le vestiaire masculin sans plus choquer personne.

Qu’en est-il dans l’autre sens ? C’est… beaucoup plus compliqué. Les couturiers ont largement poussé le vêtement masculin dans la garde-robe féminine. Après tout, s’il présente un intérêt assez modeste d’un point de vue esthétique, le vêtement masculin reste un vêtement pratique, confortable, adapté aux activités quotidiennes. Le vêtement féminin présente un peu des caractéristiques opposées : vu comme joli, mais peu pratique. Mais surtout, vu comme… féminin ! S’il était de bon ton d’amener les femmes à ressembler aux hommes, le mouvement inverse ne s’est absolument pas produit, malgré quelques tentatives restées sans lendemain. On le retrouve dans le vocabulaire aujourd’hui : un homme qui s’habille en femme est qualifié de « travesti », il se déguise, il porte un masque mais dans le fond c’est une tromperie, une fraude. Que la supercherie vienne à être découverte, et certaines personnes vont très, très mal réagir – souvent des hommes, d’ailleurs. Comment appelle-t-on une femme qui porte des vêtements d’homme, déjà ?

«La conception actuelle de la mode est démodée. La féminité doit changer d’aspect. Je veux voir une femme différente. La vie a tellement évolué. Pourquoi la façon de vêtir une femme ne subirait pas aussi une évolution? On n’a qu’à voir vivre une femme. Elle veut être l’égale de l’homme, elle assume souvent autant de responsabilités. Elle va de l’avant. Pourquoi resterait-elle en arrière vestimentairement ? Il ne s’agit pas qu’elle porte un pantalon comme un homme. C’est toute une garde-robe qu’elle devra changer. Je crois fermement que la future mode sera dans la «tenue pantalon» qui s’adaptera pour toutes les heures et toutes les circonstances».

André Courrèges, 1965

Pourtant, même aujourd’hui, le vêtement féminin présente un variété de types et de formes proprement étourdissante. Une femme qui veut choisir une robe devra d’abord identifier sa silhouette : est-elle en X, en I, en A, en V, en O, en W ? On peut préférer la version fruitée : pomme, poire, poire inversée… La réponse à cette question conditionnera le type de vêtement qui pourra la mettre en valeur. Un homme qui veut être élégant aura le choix : costume ou…? Ah ben non, ça s’arrête là ! J’admets exagérer un peu : il pourra choisir un costume cintré ou non, une veste droite ou croisée (quoique, s’il choisit la deuxième je ne suis pas sûr qu’on puisse parler d’un homme de goût… zut, j’avais dit, pas de politique !). C’est pauvre. Et si on se penche sur l’évolution de l’habillement masculin, ça remonte à loin : à vue de nez je place le basculement autour de la Révolution Française. N’étant pas spécialiste de l’Histoire du vêtement, je me garderai bien d’essayer d’être plus précis, voire d’étayer plus mon propos, bien que je n’exclue pas l’idée de pousser mes recherches un peu plus loin. Toujours est-il que les représentations du vêtement masculin, tout au long du XIXe siècle, ne laissent pas une grande place à l’imagination, si on excepte les costumes militaires ou les costumes de sacre des rois. Pendant ce temps, la femme…

La femme, tout au long de ce XIXe siècle… mais j’en parlerai peut-être ailleurs aussi, finalement, j’ai l’impression que je m’éloigne de mon propos. Propos qui est de dire qu’aujourd’hui, en 2024, un homme peut difficilement porter des vêtements ouvertement féminins dans la rue, sauf à essayer de se faire passer pour une femme – et donc effacer tout ce qu’il a de masculin -, ou à subir au mieux des regards appuyés. Les choses changent peut-être. En 2017 les conducteurs de tram de Nantes ont eu le droit de porter la jupe pour travailler : en cas de chaleur, ils étaient obligés de rester en pantalon, là où leurs collègues féminines avaient cette option. Ce point du règlement de leur entreprise a été jugé « discriminant ». Ce n’est pas encore le cas pour les employés de banque : le pantalon reste de rigueur sur le lieu de travail même par temps caniculaire. Jusqu’à quand ?

Pour aller plus loin

Sur le sujet initial de l’article, qui était me semble-t-il la séparation des vestiaires masculins et féminins, un article bien documenté peut être lu sur le site Le Boléro. Je ne souscris pas totalement à la réécriture de l’Histoire, notamment l’idée que la différence entre le costume féminin et le costume masculin dériverait d’une volonté masculine de contrôler la femme, mais il y a des informations intéressantes. Je note cependant avec amusement que le même reproche est fait au porte-jarretelles, le même reproche était fait au corset, comme si toute l’histoire de la garde-robe féminine de résumait à une volonté patriarcale de contrôle des corps. Ou, pour le dire autrement, comme si les femmes s’étaient contentées tout au long de l’Histoire de subir les volontés du « patriarcat » sans jamais avoir leur mot à dire. Cette théorie me semble être celle qui est poussée par les féministes modernes, mais je déteste souverainement l’idée sous-jacente que la femme n’aurait été qu’une éternelle victime…

Sur le sujet de la jupe masculine :

D’autres en ont parlé aussi, notamment Vogue, je laisse les personnes intéressées trouver le lien. Je me rends compte en finissant l’écriture de cet article qu’il m’a emmené vers des chemins que je ne pensais pas explorer, il y aura sans doute une suite, voire des ramifications.

  1. et encore, ces aménagements ne doivent aller que dans le sens de mieux protéger les femmes, en aucun cas dans le sens de leur donner moins de droits qu’à leurs homologues masculins ! ↩︎


5 réponses à « Différences »

  1. Les réflexions en voyage et sans préparation sont souvent les plus intéressantes, car on n’a pas vraiment de balisage pour le texte.
    Tout peut y être placé, du moment qu’il y a une accroche avec les mots précédents.
    Côté « jupe », il y a bien le kilt écossais (et je doute fort qu’on se moque d’un écossais en tenue, surtout si fan de rugby ou s’appelant (feu) Sir Sean Connery…).

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    1. À l’occasion d’une récente promenade parisienne j’ai effectivement croisé deux hommes portant un kilt. Je ne crois pas qu’il serait venu à quiconque l’idée de les embêter sur le sujet. Je n’ai pas fait attention à ce qu’ils portaient en haut, mais en bas c’était donc un kilt, des grosses chaussettes blanches et des bonne grosses chaussures – le genre de chaussures qui font remonter les bonnes idées dans la tête quand elles vous rencontrent le fondement 🙂
      C’était dans le quartier entre Opéra et Saint Lazare.

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      1. Excellent 🤣 pour la remontée des bonnes idées !
        Cela va me faire la journée 😁!!!

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  2. Malheureusement côté (re) écriture de l’histoire, chaque époque n’y échappe pas. Il y a toujours des olibrius en tout genre pour tenter de modifier les informations à leur avantage.
    Ils ne se rendent pas compte qu’à 99%, cela dessert leur propos.
    Il y a souvent un rejet car cette méthode irrite non seulement le public visé, mais aussi leurs propres groupes au final (qui s’aperçoivent que ça les dessert et en plus les place en situation désagréable)…

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    1. En l’occurrence, j’ai bien peur que ces réécritures précises que je dénonce ont été couronnées de succès. Demandez à une personne qui n’est pas forcément spécialiste du sujet si le corset ou le porte-jarretelles sont des marqueurs de domination partiarcale, je pense que vous aurez une majorité de réponses positives – peut-être que si mes comptes sociaux étaient un peu plus suivis ça serait une question intéressante à poser en fait, en l’état je crois que je tomberais dans un gros biais de représentation.
      Je parle là de sujets plutôt anodins, mais d’autres, que je m’interdis d’évoquer ici, sont beaucoup plus structurants dans le débat public aujourd’hui. Effectivement, ces mensonges (parce-que ça en sont, et des beaux) finissent toujours par être dévoilés, le problème est que les sources historiques existent, et s’il est possible de ne plus les mentionner il est impossible de les cacher complètement, plus à notre époque – c’est à mon avis une des bonnes choses apportées par la mise en réseau global de l’Humanité. Mais que d’énergie il faut pour convaincre quelqu’un qu’il raconte n’importe quoi, même preuves à l’appui, à la condition expresse que la personne soit de bonne foi et accepte d’aller voir les sources proposées !

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