Je suis un homme. Je m’habille (en général, et dans tous les cas, en public) en homme. Mais je porte des bas. Nylon. Avec des porte-jarretelles, ou assimilé. On m’interroge parfois sur ce choix, avec deux questions principalement, une un peu accessoire et l’autre qui semble plus… fondamentale. Est-il utile de préciser que ces questions, ce sont des hommes qui me les posent ? Je ne crois pas en avoir eu de la part de femmes, même si celles-ci ne sont pas avares d’avis à l’emporte-pièce non plus, c’est juste que celles qui sont dans le milieu « bas » savent que des hommes en portent, et celles qui n’y sont pas se désintéressent du sujet.
Ces deux questions sont : pourquoi, et quel « effet » ça me fait. Le pourquoi, je l’ai déjà évoqué il y a très longtemps. J’avoue que la question n’est toutefois pas complètement fermée, je pense que je trouve régulièrement de nouvelles raisons d’en porter… ou de ne pas en porter – parce-que oui, parfois, il m’arrive de le voir comme une contrainte, presque une gêne. Et s’il y a gêne… J’en reste tout de même très largement à « j’en porte », de façon très pragmatique parce-que je n’aime pas du tout l’inconfort des chaussettes1 et que les bas, ben… mine de rien, c’est plutôt une bonne alternative, non2 ? En tout cas, il me permettent de ne pas me promener pieds nus dans mes chaussures, c’est toujours bon à prendre.
Reste l’autre question : quel effet ça me fait d’en porter ? Je ne vais pas tenter de mettre en place un faux suspense, la question, venant de ces messieurs, est d’ordre purement sexuel. Pour dire les choses crûment : est-ce que j’arrive à gérer le fait de porter un objet aussi ouvertement sexuel, sans être excité tout au long de ma journée. Et là, ma réponse est invariablement : en fait, le caractère « sexuel » de l’objet dépend du contexte et de l’état d’esprit dans lequel il est mis. Si une femme (ou, plus largement, une personne) met bas et porte-jarretelles avant une partie de jambes en l’air, éventuellement précédée par une soirée plus ou moins romantique ou autres, chacun fait ce qui lui plaît, ou si elle les met dans l’objectif assumé d’exciter les hommes, alors la connotation érotique sera évidemment forte. Si la même personne les met le matin avant de préparer le petit déjeuner des enfants, de réveiller les enfants en question, les faire manger, les emmener à l’école, puis aller travailler, les récupérer le soir, bref, réaliser des actions banales d’une vie quotidienne normale3, l’état d’esprit n’est plus le même. Non, dans ce cas, ce n’est pas si excitant que ça.
Mais du coup… je me souviens de mon émoi la première fois que j’ai essayé ce bas vintage, ou quand j’ai ouvert mon premier paquet de la Dame de France, quand j’ai reçu mon Retro Swing, mélange d’émotions assez difficile à décrire. La part sexuelle était présente, bien sûr, je mentirais si je disais le contraire. Une part de timidité aussi, l’impression de lever une partie de ce voile qui est posé sur un mystère bien plus grand que moi, que je ne pourrai jamais complètement lever, de ce qui fait la féminité ou la façon dont je me la représente. Le goût de l’inconnu, la recherche de nouvelles sensations, une crainte aussi d’être vu, dévoilé. Ce mélange, cet émoi, il m’arrive encore de le ressentir. Moins avec un bas spécifique aujourd’hui, mais plutôt quand j’essaie une nouvelle manière de tenir mes bas, un nouveau porte-jarretelles, quand j’en trouve un qui me permet de porter des bas que je ne trouvais pas confortables avant, avec ceux que j’avais, quand j’en reçois un nouveau et que je n’ai qu’une hâte : le déballer et le mettre, voir comment il fait son travail. L’attrait de la nouveauté, en quelque sorte, qui retombe finalement assez vite quand la nouveauté devient habitude.
Il est une autre situation qui m’émeut tout particulièrement, peut-être plus que la précédente, comme j’en ai fait l’expérience récemment. Je conduisais, mon épouse était à côté de moi. Pas de virilisme ici, nous étions dans une voiture qu’elle ne savait pas conduire4, en règle générale nous partageons le volant avec plaisir. À un moment, dans le feu de la conversation, elle a posé la main sur ma cuisse, sur mon bas, à un doigt d’une de mes jarretelle. À ce moment, j’ai regretté de porter un pantalon, j’ai eu envie qu’elle aille un peu plus loin, qu’elle puisse, qu’elle veuille aller plus loin. Glisser sa main sous ma jupe, trouver le bouton de ma jarretelle, caresser mon bas, remonter vers le revers, trouver cette petite bosse. Et, après un petit moment à jouer avec, suivre le chemin indiqué par cet élastique pour aller se perdre un peu plus haut, un peu plus loin… J’aurais aimé que ce moment dure plus longtemps, il a finalement été fugace, juste le temps que ce feu passe au vert. Mais aujourd’hui, c’est le genre d’émoi que me procure encore le fait de porter des bas.
La sensation que j’ai décrite dans cet article, même si je la partage avec vous, était très personnelle. Si je l’ai ressentie de cette manière, c’est parce-que c’était sa main à elle, je peux vous garantir que n’importe quelle autre main n’aurait pas reçu le même accueil.
Laissez-moi étendre ce complément : quand une femme décide de porter des bas, il y a deux cas. Soit elle veut vous le sachiez, soit elle ne le veut pas. Si elle ne le veut pas, et si malgré tout vous vous apercevez qu’elle en porte, la plus élémentaire courtoisie consiste à faire comme si vous n’aviez rien vu. Et si elle montre accidentellement beaucoup plus que ce qu’elle paraît vouloir montrer, vous pouvez le lui faire savoir, mais avec tact et discrétion, elle vous en saura gré.
Si elle veut que vous le sachiez, ça ne veut pas forcément dire que c’est “open bar” : on regarde, mais on ne touche pas à moins d’y être invité. Et même dans ce cas, un “non”, un “stop” ou un “pas par là” n’admettent aucune insistance. Merci de ne pas oublier que la personne en face de vous, qui porte bas et porte-jarretelles, est une personne et pas une poupée gonflable. Et par pitié, arrêtez de la considérer comme une “salope”, elle est avant tout une femme, respectez la.
- je crois que je ne l’ai pas beaucoup creusée, celle-là, il faudra peut-être que je me penche dessus à l’occasion ! ↩︎
- le collant ? Clairement pas une option ! ↩︎
- vous pouvez remplacer la référence aux enfants par ce qui correspond à votre quotidien banal, comme promener le chien, mais pour ma part il est là, c’est donc l’exemple qui me vient en tête. ↩︎
- permis automatique, cette voiture avait une boîte manuelle, d’où d’ailleurs ma présence à ses côtés : je lui faisais chauffeur de taxi. ↩︎

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