Reprise de l’introduction du livre « Histoires du porte-jarretelles » de Lili Sztajn. Le texte qui suit est de Lili Sztajn, je n’ai rien à voir avec son écriture.
Un bas, qu’y a-t-il à l’intérieur d’un bas ? La cuisse en haut. Le pied en bas. De la chair entre les deux. Chair de femme. Tout est là.
La femme, pour l’homme, est objet de mystère autant que de désir. Du regard comme du geste, il veut entrer en elle. Le dehors cherche le dedans. Et la question de la pénétration pose celle de l’accès. Il faut qu’une femme soit ouverte ou fermée.
La maison sans porte n’est pas une maison. Qui peut s’imaginer l’intérieur d’un bloc de béton plein ? Comme la porte figure la maison, le haut du bas définit l’accessibilité de la femme. Le porte-jarretelles existe parce-qu’il tend ce bas, enserre la taille, délimite cet espace à peine protégé de quatre barres de soie.
Le chemin de soie conduit à la chair1. Tissu tendu vers le haut, désir enfermé, contenu retenu, et puis là, soudain, la brusque rupture, le passage du vêtu au nu. Trait noir avant le blanc. Du froid vers la peau.
Mais qui oserait résumer la femme à son sexe ? Ce passage ne mène pas à une réalité organique. Il ouvre sur un monde, une féerie, une aire de jeu où se cherchent et se trouvent des vulnérabilités antagonistes. Je joue à te montrer le tendre de ma chair, tu feins de ne pas me déshabiller encore…
La perte du sens du jeu, la revendication frénétique d’un « naturel » et d’une « égalité » qui excluraient des rapports humains toute la duplicité qu’ils produisent de facto, avaient terni les deux dernières décennies et décrété obscène cette frontière frivole qui suggère à la fois la dérobade et le pacte. La guerre des sexes, l’alibi du pratique, en faisant ressurgir le collant du fond du Moyen Âge, avaient condamné la porte et réduit à rien toutes ses possibilités ; fermée, entrouverte, béante… La femme devenue damoiseau, personne soudain ne savait plus à quel rôle se vouer.
D’autres siècles avant celui-ci ont vêtu puis dévêtu la femme à leur guise, la libérant ou l’enfermant au gré de leurs soubresauts. S’épuisant avant nous dans toutes les combinaisons de la morale, de l’ornement et de l’imagination, ils ont accompli un cycle, nous laissant un don inespéré : le choix de ce qu’une femme montre et cache. Que la femme aujourd’hui ouvre une porte sur elle-même n’est plus un aveu de faiblesse ni de soumission, mais un retour serein sur le terrain ludique.
Plus besoin d’alibi pour décider d’un accès où la main peut se glisser. Une fois le haut de ce bas franchi, bien malin qui pourrait distinguer le conquérant du conquis.
La photo d'illustration de cet article ? C'est écrit dessus : ce n'est par une photo NylonPur, c'est une photo Sodibas. En pratique, elle a été prise par le même photographe, peut-être un peu plus tôt. Parce-que je dois illustrer un texte rédigé dans les années 90, donc je dois me placer dans l'époque. Et comme ma copie du livre est illustrée par une photo de femme portant une guêpière, cette photo-ci s'imposait.
Bon, en fait, en regardant cette couverture, j'ai reconnu la photo d'illustration en question : c'est un zoom entre le dessous de la poitrine et les cuisses de Sophia Loren en guêpière dans Les Dessous de la Millionnaire2. Photo iconique que je ne remettrai pas ici — je pense l'avoir déjà utilisée —, mais que je ne m'interdis pas de réutiliser un jour !
Bref, ici, je mets à l'honneur NylonPur. Parce-que sans lui, je n'aurais jamais appris l'existence de ce livre, tout simplement. Et puis bon, c'est peut-être un détail mais... j'adore cette photo !
- je n’avais pas connaissance de ce passage, je n’avais pas connaissance de ce livre quand j’ai repris cette expression. L’air du temps…? J’admets être arrivé quelques années plus tard ! ↩︎
- titre original : The Millionairess ↩︎

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