Pour une histoire du porte-jarretelles : Lili Sztajn

(Trouvailles 1993)

Un article obtenu via NylonPur

Lili Sztajn, journaliste et traductrice, vient de publier « Histoires du porte-jarretelles » qui raconte comment ce dessous , objet utile autrefois, est devenu ludique aujourd’hui, symptomatique d’un certain art de vivre. En porter ou ne pas en porter, telle est la question.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire ce livre?
II y a beaucoup de raisons à cela. Tout d’abord parce que je porte des porte-jarretelles et j’aime tout ce qui se rapporte à son jeu. II y a une nostalgie esthétique de ce que j’ai connu étant enfant, la femme arrondie des années 50… La deuxième raison est que j’ai eu la chance de tomber sur un éditeur qui était un aficionado du porte-jarretelles ; l’idée lui a plu. La dernière raison, c’est que c’était un excellent moyen de revenir à la fois sur l’histoire des femmes et de dire deux, trois choses que j’avais envie de dire tant aux femmes qu’aux hommes. De plus, rien n’avait été fait sur cet objet qui pourtant a, par ailleurs, donné lieu à une littérature abondante.

Vous citez une psychanalyste qui dit : « Le porte-jarretelles est un moyen de morceler la femme, de la rendre moins effrayante ». Au début de votre livre, vous faites allusion à ce « découpage » du corps. Qu’est-ce que cela signifie pour vous ?
Après avoir suivi l’histoire du porte-jarretelles, je me suis demandé pourquoi ça provoquait un tel émoi chez les hommes, et surtout après sa disparition d’ailleurs. La nudité apparaît souvent comme peu érotique. Sans rentrer dans une psychanalyse du vêtement et du sous-vêtement, il est vrai qu’habiller la femme et morceler son corps est une manière de la rendre moins effrayante. L’homme n’est pas ainsi obligé de prendre toute la femme en même temps. C’est plus facile d’approcher la femme par petits morceaux plutôt que dans sa totalité. La plupart des hommes sont terrifiés par elle. Beaucoup d’hommes disent que le porte-jarretelles est un écrin, une sorte de voile où s’accrocher pour ne pas tomber dans le continent noir, sorte d’échelle où l’on ne va pas se casser la figure. Je crois que cette peur n’est pas seulement vis-à-vis de l’accès sexuel. Le mystère, c’est surtout l’orgasme de la femme qui les fascine comme quelque chose qu’on ne comprend pas. Les femmes d’aujourd’hui ont du mal à comprendre qu’elles font peur aux hommes, alors qu’il faut simplement le savoir et jouer avec!

Vous parlez de plusieurs attitudes vis-à-vis du porte-jarretelles, quelle est la vôtre?
Disons que c’est un état, ça ne dépend pas uniquement du vêtement que l’on porte. Je dirais que c’est un art de vivre puisque cela signifie l’acceptation d’une sensualité des rapports humains en général. Attention, mettre un porte-jarretelles ne résout pas les problèmes, d’ailleurs il ne faut pas le faire si on se sent un peu cheval de cirque. On peut ne pas en porter et vivre des aventures extraordinaires. Disons que ça peut être un plus et que ce n’est pas un must.
Quant à moi, je fais partie de la génération qui est à la charnière du porte-jarretelles et du collant. J’ai commencé par porter des porte-jarretelles mais c’était tout à fait normal et quand le collant est arrivé, j’ai fait comme tout le monde, j’ai souhaité un collant.

Comment le porte-jarretelles intervient dans le rapport amoureux aujourd’hui par rapport à autrefois ?
II intervient d’une manière totalement ludique. Aujourd’hui, on ne peut plus porter un porte-jarretelles innocemment car ce n’est plus une nécessité vestimentaire. C’est au niveau du jeu que cela se passe. D’ailleurs beaucoup de femmes portent des porte-jarretelles uniquement horizontalement, c’est-à-dire comme accessoire de jeu érotique. Mais ça peut être aussi une manière de considérer ses rapports amoureux ; il y a un plaisir à faire plaisir à l’autre en se faisant plaisir à soi. Autrefois le porte-jarretelles intervenait dans le jeu amoureux, c’est sûr, mais c’était naturel puisque toutes les femmes en portaient. Les hommes qui ont connu cette époque vous disent que c’était un plaisir, on ouvrait la femme comme une fleur, c’était une espèce de Carte de tendre tactile. C’est l’histoire de la conquête, l’idée que la femme est une forteresse qu’il faut prendre d’assaut, mais c’était attendu. Sentir un bas et un porte-jarretelles sous une jupe de femme était tout à fait banal.

Quel est pour vous le comble de l’érotisme?
L’exhibitionnisme discret ou privé. C’est le jeu du voyeur, le fait de s’exhiber pour un voyeur qui sait vraiment regarder. C’est le regard, celui qu’on porte sur les autres, celui qui est porté sur soi.

Existe-t-il des collectionneurs?
II en existe mais la démarche est alors davantage d’érotomane plutôt que de collectionneur. Certains ont des pièces anciennes mais cela tient du fétichisme. Que ce soit des hommes ou des femmes, ce sont des objets qu’ils portent, ils ne les gardent pas rangés. On peut avoir bien sûr la satisfaction de posséder une gaine des années 50 en parfait état mais on ne va pas l’échanger sur le marché de la gaine. Je ne crois pas qu’il existe de marché, y compris privé, je n’en ai jamais entendu parler. On peut dire en tout cas qu’il s’agit de collections très très privées.

Etes-vous collectionneuse?
Disons que j’en ai un certain nombre mais ils font partie de ma garde-robe, cela ne relève pas du processus de la collection, c’est pour le plaisir.

En complément, une interview de Lili Sztajn est disponible sur YouTube, sur la chaîne NylonPur :

À venir : un extrait de son livre, obtenu lui aussi par NylonPur.



Une réponse à « Pour une histoire du porte-jarretelles : Lili Sztajn »

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