(Télérama Paris N° 177 – 8 mai 1996)
Annie est la dernière remmailleuse de bas ayant pignon sur rue à Paris. Un titre de gloire dont elle ne se vante pas, même si son palais des places de sept mètres carrés baptisé Lauren est en passe de devenir une petite institution parisienne. « On vient me voir du monde entier pour faire remmailler et aussi acheter des collants. J’ai même reçu un coup de fil de New York d’une cliente qui voulait m’envoyer ses bas à rattraper, glisse-t-elle, en souriant de l’anecdote. Il faut dire que je me donne à fond dans mon commerce. »
La preuve le cortège permanent qui défile chez elle en débordant parfois jusque sur le trottoir. Les employées de bureau du coin en quête de la dernière fantaisie croisent les dames en bas médicaux, tandis que les chauffeurs de stars se délestent presto de leur paquet de collants, en lorgnant leur voiture garée en double file. Je cherche toujours le meilleur rapport qualité-prix. Le remmaillage coûte de 7 à 20 F par maille filée, raconte Annie, sur un ton vif et clair, si la réparation ne vaut pas le coût du collant, je le déconseille. «
Chaque soir, Annie rentre chez elle avec son lot de bas comme sa mère l’a fait pendant quarante ans, passant tous ses week-ends sur la machine à remmailler. « C’est elle qui m’a appris la technique en huit mois, mais je ne tiendrai pas aussi longtemps qu’elle. C’est un travail exténuant et ça ne rapporte pas grand-chose. Heureusement que la vente marche bien. » Et qu’Annie, par ailleurs titulaire d’une maîtrise de lettres et d’espagnol, a de l’esprit jusque dans la vente du multifibre. Au point que les directeurs commerciaux des grandes boîtes comptent sur elle pour les mettre au parfum. Voile ou polyamide, petits prix et qualité maxi, comptez sur Annie !
Lauren : 24, rue Tronchet, 75008 Paris. Quinze jours de délai. [Note : il semble bien qu’en 2024 cette boutique n’existe plus]
Notes complémentaires à l’article original :
Orthographe : j’ai appris en lisant le billet de nylonvolupte sur le sujet qu’on peut écrire indifféremment « remailleuse » ou « remmailleuse » (voir lien ci-dessous et ici).
Sur le métier : le remmaillage existe toujours, il n’est pas impossible que ce métier soit amené à se développer à nouveau, si la mode de la réutilisation se poursuit. Mais les personnes qui pratiquent ce métier aujourd’hui ne remmaillent malheureusement plus les bas, mais des pulls, des chaussettes ou autres pièces moins délicates. Historiquement, le remmaillage de bas était plutôt une activité annexe permettant à certaines femmes de mettre un peu de beurre dans les épinards.
Liens complémentaires sur le remmaillage :
- Témoignage d’une ancienne remmailleuse de Clichy (article de blog)
- L’excellent billet de nylonvolupte, pour celles et ceux qui l’auraient manqué.
- Fiche du métier de « remmailleuse » sur keljob.

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