La radio

Tous les matins, au réveil, la radio est allumée dans la cuisine. Ça parle, ça se dispute, ça raconte… Ça peut être une chronique sur France Inter, une interview sur Europe 1, ça peut être un politique qui vient faire la promotion de son dernier album ou un chanteur qui veut nous expliquer à quel point le gouvernement est mauvais, un humoriste pas drôle ou un bulletin météo rigolo, l’essentiel, c’est que ça parle. Des voix, parfois un peu de musique, pas trop, parfois un peu de pub, toujours trop, quoi qu’on écoute, quoi qu’on regarde, quoi qu’on lise, il y a toujours trop de pub, c’est dans la nature de la pub d’être trop. L’illusion d’une compagnie pour meubler la solitude d’un foyer vide.

Plus tard, quand la vie a rendu le foyer un peu moins vide, toujours la radio. Le matin, juste le matin, mais tous les matin, chaque matin. Une habitude, un besoin, un interlocuteur est là mais il est taiseux, sa parole est rare quand on ne l’interroge pas sur un de ses sujets de prédilection, et ceux-ci sont assez spécifiques pour exclure la discussion banale, les mots de tous les jours. La radio comble les besoins de bavardage, les besoins d’écoute, quand on n’entend pas les gens, on entend les ondes. Une voix, une vie. Vous avez l’impression que personne ne l’écoute, vous essayez de l’éteindre ? Malheureux, quelle idée, surtout pas, cette voix qui remplit le silence est un besoin vital ! Toujours allumée, toujours là, fidèle au poste, on se fiche des mots tant que les ondes les apportent, on se fiche des ondes tant que les mots sont là.

Et puis, un jour, la radio s’éteignit. Définitivement. Une panne de l’appareil ? Une panne de l’émetteur ? Non… en fait, ça faisait longtemps qu’il n’y avait plus personne pour les écouter, il n’y avait maintenant plus personne pour entendre ces mots qui voguaient sur les ondes… alors la radio s’était tue, elle avait enfin laissé revenir le silence. Au-revoir, les mots. Au-revoir, les bavardages. Au-revoir, tous les jacassants de l’autre côté de l’appareil. Celle qui vous entendait était partie, elle ne vous écoutait pas vraiment, maintenant elle ne vous entendra plus. Éteignez la radio, vous ne la troublerez plus…



Une réponse à « La radio »

  1. Joliment dit…
    J’apprécie beaucoup l’humour qui s’en dégage, et une poésie douce et délicate, un tout petit peu surréaliste.
    Sa lecture fait du bien ^^ …

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