Vous n’êtes pas sans savoir que l’Académie Française vient enfin de publier la dernière version de son dictionnaire. La vénérable institution y travaillait depuis les années 1930, on est loin du rendement de la concurrence ! Il va sans dire que cette fournée était attendue de pied ferme… et qu’elle a provoqué des réactions. Je vais évoquer l’une d’entre elles, en relation lointaine avec l’objet de ce lieu.
Je passerai sur les mots « jaune » ou « négrillon », qui pouvaient être banals dans le sens donné par l’Académie jusqu’aux années 80, avant que cet ancien sens ne devienne tabou. Je vais me limiter à une autre définition dont le sens donné semble faire polémique : le mot « femme ». Ce mot semble être devenu faussement évident ces dernières années : regardez les polémiques autour de J.K. Rowling, et gardez en tête que si toute une frange de la population serait heureuse aujourd’hui de la voir sur un bûcher, c’est parce-qu’elle a dit, la jobastre, qu’une « personne qui a des règles » était, avant, appelée « une femme ». Et a choisi de rester ferme sur cette position décidément d’un autre âge. Qu’en est-il du côté de l’Académie ? Voici la définition qu’elle donne pour ce concept étrange :
Femme : n.f.
Être humain défini par ses caractères sexuels, qui lui permettent de concevoir et de mettre au monde des enfants.
La Ligue des Droits de l’Homme et, la suivant dans sa croisade, toute une partie de la presse, n’ayant décidément rien d’autre à faire1, a décidé de sonner l’hallali : comment peut-on définir une femme par sa capacité reproductive ? C’est discriminant pour toutes celles qui sont trop jeunes pour enfanter, celles qui sont stériles volontairement ou non, ou celles qui ne peuvent plus avoir d’enfant. Les académiciens auraient-ils décidé unilatéralement que ma mère, du haut de ses 80 ans, n’était plus une femme ? Je parle de la mienne, mais eux ont dû en avoir, et des bien plus âgées en plus. Il est vrai que ses « caractères sexuels » ne lui permettaient plus « de concevoir ou de mettre au monde un enfant ». Alors ? Quid des immortelles qui ont participé à cette édition du dictionnaire, Marguerite Yourcenar, Hélène Carrère d’Encausse ou leurs 9 consœurs…? N’étant plus, par la force des choses, en mesure de concevoir et de mettre au monde un enfant de manière naturelle pendant la période où elles ont siégé à l’Académie, ne se considéraient-elles pas comme des femmes, pour valider une telle horreur ?
À ce stade, je voudrais prendre un peu de recul, et me demander comment les concurrents, si tant est qu’on peut appeler « concurrent » à un dictionnaire qui sort une fois par siècle un dictionnaire qui sort une fois par an. Le Larousse est magnifique sur ce mot, pour lui, est « femme » tout :
être humain de sexe féminin, adulte de sexe féminin.
Sachant que féminin désigne, pour le même dictionnaire :
ce qui est propre à la femme
On en déduit naturellement que pour le Larousse :
une femme est un être humain dont le sexe est celui de la femme
Si vous ne vous sentez pas plus éclairés à ce stade, je crois que c’est plutôt normal. Si vous pensez que la définition académique a sur celle-ci le mérite de la clarté, à mon avis vous n’avez pas tout à fait tort. J’ai donné les définitions telles qu’elles sont disponibles en ligne actuellement2, mais par curiosité j’ai jeté un coup d’œil au Larousse de poche que je tiens de mon père, dont le premier tirage date de 1954. À cette époque, chez Larousse, une femme était la :
Compagne de l’homme, celle qui est ou qui a été mariée
Extrêmement clair, d’une clarté… biblique ! Un peu daté, peut-être, aujourd’hui, on n’aime plus guère définir la femme à partir de sa relation à l’homme, et comme il est devenu malséant de faire la distinction entre la « demoiselle », pas encore mariée, et la « femme » qui est passée devant monsieur ou madame le Maire, je crois que nous pouvons considérer cette définition comme obsolète. Au vu de ce qui est dit ici, je trouve que la définition donnée par l’Académie représente tout de même un beau progrès. Je ne mentionne pas le Robert, qui n’échappe pas non plus à la définition circulaire mais donne par ailleurs quelques pistes intéressantes.
Il existe, à mon avis, une autre possibilité, que je n’ose imaginer vu ce qu’elle supposerait de nos chevaliers blancs du camp du bien. L’idée que, peut-être, cette définition donnée par les académiciens désignerait comme « femme » toute personne munie d’un appareil génital féminin lui donnant ou lui ayant donné la possibilité de porter un enfant. Que cette possibilité ait été utilisée ou non. Et même si cette possibilité n’est pas utilisable : une femme stérile n’en est pas moins une femme, si elle est munie de l’appareil reproducteur féminin. Le problème, c’est que si on prend cette définition, toute une catégorie de personnes se disant « femmes » sont directement exclues : les « femmes » ayant un appareil génital masculin, qui estiment que, parce qu’elles se sentent « femmes », elles ont le droit d’utiliser les vestiaires des femmes, elles ont le droit de concourir avec les femmes en compétition, elles ont le droit, après un crime commis, d’être jugées comme des femmes et d’aller en prison pour femmes. En gros, le reproche que fait, en creux, la Ligue des Droits de l’Homme a l’Académie, c’est d’avoir donné de la femme une définition… transphobe, en ce sens qu’elle ne reconnaît pas les trans comme des femmes. Est-ce qu’il peut y avoir plus criminel que ça…?
Petite remarque au passage : s’il vous arrive de rencontrer un homme qui dit qu’il se sent « femme », demandez-lui de vous expliquer précisément pourquoi il vous dit ça. Et encore plus si vous êtes, vous-même, femme. La réponse sera certainement surprenante. Je vous invite dans ce cas à la plus extrême vigilance : toute définition circulaire doit être bannie. Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, la féminité ne semble plus faire partie de cet ensemble.
Post Scriptum : tout le monde s’en fiche, mais au fait, que dit l’Académie de l’homme ?
être humain mâle. Considéré en fonction de son sexe, et par opposition à la femme.
Ce n’est qu’un petit extrait, mais je constate tout de même une chose intéressante : aujourd’hui, c’est l’homme est défini par rapport à la femme. La femme est définie par rapport à une capacité que lui donne son corps, par rapport à elle-même. Ce qui me semble révolutionnaire, et révélateur d’une évolution des perceptions inédites depuis que l’Académie a été fondée. Mais il ne se trouve personne, dans le landerneau médiatique, pour saluer ce changement…
- après tout, les problèmes posés par l’Iran, l’Afghanistan ou, plus près de nous, l’Algérie sur ces sujets sont tout à fait secondaires, il est bien plus pertinent (et moins dangereux) de s’attaquer à une bande de personnes âgées dont plus grand monde ne se souvient de l’utilité… ↩︎
- fin novembre 2024, pour être précis. ↩︎

Répondre à Anagrys Annuler la réponse.