Trop facile !

Photo en noir et blanc d'une goutte d'eau qui tombe dans du liquide

Il y a quelques années, quand j’étais entre deux couples, je fréquentais une jeune fille. En tout bien, tout honneur : nous nous étions rencontrés en cours de danse de salon, elle voulait briller sur les pistes et j’étais un moyen pour elle d’avoir un cavalier à peu près décent quand elle en avait besoin. J’ai d’ailleurs fait avec elle ma première et dernière démonstration « professionnelle » de tango, pro parce-que nous avons été payés d’un dîner à la soirée en question, mais c’est une autre histoire, je verrai plus tard si l’envie de raconter cet épisode finit par venir.

À l’époque, j’étais dans la vie active, je travaillais depuis 7 ou 8 ans environ. Elle était encore étudiante, bien que je n’aie jamais su (ni demandé) où précisément. Ce que je sais, par contre, c’est qu’elle avait un rêve : elle voulait devenir artiste-peintre. Pas n’importe quel type d’artiste peintre : le genre d’artiste-peintre qui met quelques gouttes de peinture sur une toile, et qui vend cette toile pour des cents et des milles. Clairement, l’artiste-peintre qui essaie d’apporter une vision originale, qui essaie de représenter le monde à sa manière, voire celui qui peint à sa façon des personnes, objets ou paysages ne l’intéressait pas : elle voulait être celle qui peint rapidement des trucs qui se vendent très cher. C’est sans doute possible quand on est apparenté à monsieur Arnault, par exemple, ou un conservateur bien placé d’un de nos musées nationaux, mais sinon la démarche me semble au mieux optimiste.

Pourquoi je vous raconte tout ça, vous demandez-vous sans doute…? J’ai vu ce matin une dame calligraphier un mot, j’ai trouvé le résultat magnifique. Et réalisé en un temps record, l’artiste met moins de 5 minutes pour réaliser son œuvre. Il se trouve que ma femme est apparenté à un artiste peintre, qui peint aussi bien à l’occidentale qu’à la manière chinoise. Je ne sais pas combien de temps il lui faut pour finaliser une toile à l’occidentale, mais le dessin à la Chinoise ne prend jamais plus de quelques minutes, pour un résultat…

À voir ces artistes travailler, on peut croire qu’ils ont d’une certaine manière la belle vie : quelques secondes, quelques minutes au pire, et une œuvre est créée, qui pourra se vendre parfois plutôt bien. Il y a de quoi motiver des vocations ! Enfin, ça, c’est pour la partie visible… ce qu’on ne voit pas, c’est le temps qu’il a fallu pour arriver à ce niveau : la régularité des lignes et la gestion parfaite de la pression de la plume pour la calligraphe, combien de kilomètres de lignes a-t-elle tracées pour en arriver là ? Pour l’oncle de ma femme, il sait parfaitement mélanger son encre et son eau pour avoir la bonne consistance, celle qui s’installera et se diffusera dans le papier exactement comme il le prévoyait pour obtenir l’effet recherché. Et la capacité à transformer les inévitables accidents en opportunités. Combien de litres d’eau, de kilos de papier utilisés pour en arriver là ? C’est peut-être moins embêtant en Chine, on y cultive l’art de l’éphémère, certains artistes calligraphient à l’eau sur le sol des parcs. Mais ce qui se cache derrière ces œuvres créées en quelques minutes, ce sont des années de travail. Celles-là, on ne les voit pas…

Tout ça me rappelle un strip sur un blog que je suivais dans les années 2000, et qui se trouve être encore en ligne. Si vous aimez la BD, n’hésitez pas à y jeter un œil ! Je crois que cette réflexion ne fait que commencer, même si pour l’instant je suis au bout de mon idée initiale… il y a des chances pour que j’y revienne ! Le lien avec les bas ? Il n’y en a pas vraiment, mais c’est une réflexion qui m’est venue à la lecture d’Instagram, elle est donc liée aux réseaux sociaux !

L'image d'illustration vient de la bibliothèque Pexel.
Elle ne représente absolument pas une peinture chinoise, elle est de toute façon trop abstraite pour ça, mais elle m'y fait penser, et pas seulement parce-que c'est le premier résultat que j'ai eu en cherchant « peinture chinoise » sur cette plate-forme. Et elle prépare une ouverture possible vers un prolongement vers la photo, qui est aussi un art un peu plus subtil que : « c'est facile, il suffit d'appuyer sur le bouton ! »


5 réponses à « Trop facile ! »

  1. Très bel et bon article sur les artistes et la vie,et surtout la fameuse partie invisible !
    Le travail, l’entraînement, les échecs qu’il faut savoir transformer, toute une connaissance empirique acquise au fur et à mesure du temps (dont on peut disposer pour son art ! Car il faut bien vivre à côté : se nourrir, se loger, etc.).
    J’adore aussi les pointes d’humour glissées ci et là ^^
    Mention spéciale pour la proximité avec un milliardaire, pour le côté rapport oeuvre produite/gain immédiat…
    J’en ai eu un bon sourire (je ne pouvais pas avoir un fou rire sans réveiller la maisonnée !).

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    1. Merci 😊
      Je trouve que le web et les réseaux sociaux amènent deux illusions que je pense dangereuses (sans parler bien sûr des comportements toxiques…), celle qu’il est facile de réussir sans trop se fouler dans un métier artistique ou artisanal est l’une d’entre elles. En pratique, j’y englobe tout ce qui nécessite un certain savoir-faire, qui ne s’acquiert que par la pratique, mon épouse en fait l’expérience actuellement.
      L’autre… en fait, j’en ai déjà parlé et j’en reparlerai, je ne veux pas divulgâcher 😁

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  2. Exactement! De la persévérance peut-être?
    Ça vaut pour l’écriture je trouve: c’est en pratiquant que ça bouge. Il suffit pas de jeter de jolis mots comme ça sur un clavier. Mais c’est peut-être aussi ingrat que la photo car on se dit « Boarf, tout le monde peut le faire ». Peut-être que c’est le cas mais ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas eu un travail ou une réflexion derrière.

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    1. De mon côté l’écriture vient un peu toute seule, sans vraiment chercher de technique… je l’avoue, c’est avant tout une sale manie, comme dirait l’autre ! La contrepartie, c’est que quand je n’ai pas l’idée de base, il peut arriver que rien ne vienne, j’avais parlé de l’écriture comme d’un numéro de funambulisme… il est là.
      Mais vous avez raison, ça s’applique en fait à toutes les activités artistiques ou artisanales, tout ce qui implique un geste, une réflexion, un entraînement… le secret, c’est de persévérer, de continuer, de trébucher et de se relever.

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      1. Je suis pareil, il me faut une petite impulsion sinon j’ai du mal à écrire. En fait je vois une évolution dans ma façon d’écrire par rapport à mes premiers articles (j’ai ouvert mon blog à la mi-2021): le style est globalement le même mais y a un petit machin qui a changé.

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