Premier article de cette nouvelle série « NylonPur », l'édito de janvier 2002, qui est une reprise d'un article du Figaro.
Je reprends l'article tel qu'il était disponible sur le site ousontlesbas.com jusqu'à sa mise hors ligne, images d'illustration incluses, en ne m'autorisant que quelques petites corrections de forme ou de typographie. J'ai toutefois pris la liberté d'ajouter des note de bas de page. Les deux notes originales sont en italique, les notes ajoutées sont en écriture normale.
J'ai tout de même ajouté les descriptions aux images d'illustrations, pour les personnes à qui elles peuvent être nécessaire, en espérant qu'elles sont suffisamment précises.
Lu dans la presse, entendu à la radio, vu sur les jambes féminines : la mode s’empare des bas. Les 18-25 ans semblent adopter le porte-jarretelles sans complexes : finies les références puisque leurs mères n’en portaient pas. Les femmes jouent le jeu : vrai tendance ou feu de paille ?
LE FIGARO mardi 4 décembre 2001
VIVRE AUJOURD’HUI / MODES
Lingerie mi-ludiques, mi-frivoles, les porte-jarretelles reviennent en force dans la mode. Des accessoires pas comme les autres.
Port obligatoire

Selon différentes sources bien informées, la paternité du porte-jarretelles reviendrait à… Emmanuel Kant et Gustave Eiffel ! Le « PJ » est donc, a priori, la seule pièce de lingerie au monde qui peut se targuer d’avoir pour co-inventeurs un philosophe allemand et un ingénieur français. L’histoire dit que l’auteur de la Critique de la Raison Pure, agacé par une paire de chaussettes qui lui cisaillaient les jarrets, mit au point l’ancêtre du porte-jarretelles en bidouillant un ingénieux système d’attaches, qu’hélas il ne fit pas breveter !
Quelques décennies plus tard, il semblerait que Gustave Eiffel1,
sans doute inspiré par les quatre piliers de sa tour en résille de fer, perfectionna l’instrument kantien en créant l’agrafe qui termine la jarretelle et tient le bas. Las ! L’histoire n’ayant pas retenu la contribution de ces grands hommes dans la création de ce qui deviendra le sous-vêtement féminin le plus érotique du siècle, c’est à un certain Féréol Dedieu qu’est attribuée l’invention du porte-jarretelles en 1876. Contre toute attente, les PJ de Féréol ne marchèrent pas du feu de Dieu, dépourvus qu’ils étaient de froufrous et de fanfreluches. Les Françaises continuèrent de lui préférer les jarretières, bandes d’étoffe richement ouvragées retenant le bas en cisaillant la jambe (voir Kant)…

In fine, dans les années 1900, les jarretelles, baptisées outre Atlantique « bretelles américaines », reprennent du galon grâce à un double effet tenseur, elles empêchent le corset de remonter sur les hanches, et les bas de dégringoler sur les chevilles. Voilà pour le côté pratique.
Eu égard à la symbolique de la chose, il faut attendre la fin de la Seconde Guerre mondiale pour que les porte-jarretelles acquièrent leur dimension érotique. Marchant de paire avec les bas (couture), et les talons (vertigineux), les PJ font fantasmer les populations masculines et deviennent un des éléments phares du fétichisme occidental.
Puis, dans les années 70, libération des mœurs et des corps aidant, le triomphe du collant sonne le glas du porte-jarretelles, lequel ne se trouve plus qu’en magasins spécialisés (sex-shop ou bonneterie orthopédique). Dans les années 80, certains créateurs comme Chantal Thomass tentent bien de le relancer, mais le bougre reste encore trop connoté pour remporter les faveurs des actives battantes de cette décennie.

Et puis voilà qu’en 2001 — miracle de la mode — le porte-jarretelles ressort de son placard. Mieux encore, il devient un accessoire fashionissime que couturiers et créateurs font défiler dans leurs collections (de Christian Dior à A. F. Vandevorst). Mais aussi le nouvel emblème des campagnes de pub porno-chics des géants mondiaux du luxe : une fille ou plusieurs en porte-jarretelles, et zou, sur fond de parfum de scandale, tout le monde en parle… « Toutes ces campagnes contribuent au retour de cet accessoire. Même les marques de collants proposent des modèles avec porte-jarretelles en trompe-l’œil ! La tendance est à la séduction plutôt chic, au retour de la féminité. Le porte-jarretelles est considéré comme un apparat sophistiqué qui, en mode, peut se prêter à tous les détournements, cousu sur un jean, intégré dans une robe ou un top corseté comme chez Balenciaga, traité en ceinture, etc. En outre, ce produit a bénéficié des différentes évolutions de la corseterie, grâce au Lycra et à l’emploi des microfibres, il est beaucoup plus confortable qu’auparavant », analyse Chantal Malingrey, chef de produit mode au Salon de la lingerie.

Autre argument qui joue en faveur du retour du PJ : la montée au créneau des 18/25 ans. « Elles sont décomplexées par rapport aux porte-jarretelles. Leurs mères n’en ont jamais porté. C’est quelque chose de nouveau pour elles, elles ont envie d’essayer pour s’amuser. C’est féminin, rigolo et sexy » constate Chantal Thomass. D’ailleurs les marques l’ont parfaitement compris. Gerbe lance cette saison un modèle taille unique à moins de 200F2, tandis qu’Erès en livre une vision expurgée de toutes fioritures, porte-jarretelles et serre-tailles, simplement coupés dans le même textile que les bas coordonnés… « Le porte-Jarretelles est intéressant dans le sens où il n’est absolument pas fonctionnel. Il n’a aucun côté pratique, et depuis l’invention des modèles de bas autofixants on peut très bien porter des bas sans recourir à un porte-jarretelles. Il revient aujourd’hui pour son côté à la fois inutile et ludique et parce qu’il induit des gestes frivoles, presque poétiques. D’ailleurs, ce ne sont plus les hommes qui les offrent mais les femmes qui se les achètent pour elles-mêmes », observe Fifi Chachnil, styliste de lingerie pour filles. Très MLF, en somme…
Sans impair
- Le porter taille basse, sans chichi (Wolford, Erès, etc.) et sous un jean, quand on est une grande fille mince et androgyne.
- Préférer les modèles serre-tailles plus emboîtants (Chantal’ Thomass, La Perla, etc.) quand on est une femme ronde avec des hanches.
- Outre le port classique avec des bas, sous une robe ajustée, tenter la version du dessous-dessus en (arborant façon ceinture, titilles au vent, sur une jupe, en sur jupe.
- Savoir enfin qu’un porte-jarretelles se met toujours après la culotte, auquel cas cette dernière remonte sur le PJ et c’est très vilain3.
Fabienne Reybaud
- la paternité de Gustave Eiffel n’a pas été confirmée par les études les plus récentes: il faut voir à cette attribution un délire interprétatif lié à la forme explicite de la base de la tour ↩︎
- environ 30€, l’article a été publié sur ousontlesbas en février 2002, mais il date de fin 2001, donc avant l’adoption de l’euro pour les achats du quotidien — NDLR ↩︎
- faute de goût autant que de pratique : laisser un porte-jarretelles sur une culotte implique de devoir dégrafer le tout en cas de besoin naturel ! ↩︎
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