En fréquentant mes réseaux sociaux préférés, je suis tombé sur un sujet qui m’a interpellé. C’est peut-être une tautologie, il est vrai que s’il m’avait laissé indifférent, je n’aurais pas ressenti le besoin d’en parler avec vous. Encore un sujet polémique stérile ? Très certainement, après tout ces endroits en regorgent. Mais comme il concerne les relations entre les femmes et les hommes, en se penchant spécifiquement sur les goûts des hommes, il tombe un peu dans mon thème !
Le sujet
Une étude a été produite par l’IFOP pour Wyylde. Ça date un peu, c’était en 2022, mais je viens seulement de tomber dessus. L’IFOP est bien connu, c’est un des gros instituts de sondage français. Wyylde l’est sans doute un peu moins, de mon côté je n’en avais pas encore entendu parler, c’est apparemment un site de rencontres libertines — pas forcément les endroits que je fréquente. Un site qui s’intéresse apparemment beaucoup aux relations entre les femmes et les hommes. On trouve facilement sur les réseaux les résultats de cette étude, avec à la clé une surprise : à la base, celle-ci a été commandée pour évaluer le niveau de déconstruction des hommes, suite à des propos d’une certaine députée à mon sens trop connue en France. Résultat de l’enquête : 50% des répondants s’estimaient déconstruits, 40% d’entre eux l’étaient « réellement ». Si vous voulez savoir comment on détermine si un homme est « déconstruit », n’hésitez pas à consulter l’étude en question, je vous mettrai le lien en fin d’article..
Sauf que l’article qui a été tiré de cette étude n’évoque pas vraiment cette partie de l’étude. Celui-ci parle toujours des relations entre les femmes et les hommes, mais n’évoque pas vraiment la « déconstruction », il se concentre sur un autre aspect de la chose, qu’on trouve plutôt à la fin de la même étude. Pour la référence, l’article est ici, et il présente ses propres résultats. Que disent-ils ?
La problématique soulevée
L’accusation est grave, jugez-en :
48% des hommes, toute tranche d’âge confondue affirment qu’ils n’accepteraient pas d’être en couple avec une femme ne respectant pas les normes de beauté que la société impose aux femmes.
Mon dieu, mais quelle horreur ! 48%, ça nous fait presque la moitié ! En filigrane, on en déduit donc que ces 48% des hommes seraient des salauds, il faut bien l’être pour refuser une femme ayant une apparence que réprouve notre société profondément patriarcale ! Et le problème va loin, jugez-en :
les diktats de la beauté sont profondément ancrés dans une culture patriarcale qui est sexiste, raciste, grossophobe et validiste.
Voilà, c’est dit : vouloir appliquer ces critères, ce n’est pas « avoir des préférences personnelles », c’est être « sexiste, raciste, grossophobe et validiste », l’histoire ne dit pas ce qu’on gagne quand on coche tous ces critères…
Mais… euh… au fait, si la citation précédente donne un indice, quels sont en pratique ces « critères de beauté » que la société patriarcale impose ?
Quels critères ?
Ces critères semblent être liés à la taille, au poids, à l’origine ethnique matérialisée par la couleur de peau, au handicap, à la présence de poils ou à la couleur de cheveux. J’ai bien dit : “semblent”, parce-qu’ils ne sont jamais explicitement listés. Ils sont toutefois mentionnés dans l’article : untel qui dit qu’il ne pourra jamais être avec une « grosse »1, tel autre pense qu’une femme plus grande que lui ne pourra jamais lui convenir, un autre — ou le même — explique que les poils le rebutent, bien évidemment le handicap y passe aussi.
En quoi ces éléments sont-ils « imposés par la société » ? Cette question ne recevra jamais de réponse, il doit donc s’agir d’une évidence comme il en existe tant, ou d’un choix des concepteurs du questionnaire. Peut-être ces critères correspondent-ils à ce que le cinéma, la publicité, la télévision nous permettent de voir, ce qui permet de les qualifier de « sociaux » ? Mais dans ce cas, quels sont les critères qui ne rentrent pas dans cette catégorie ? Là non plus, on ne le saura jamais. Quant à essayer d’établir la distinction entre ce qui vient de la société, de la culture, et les préférences personnelles, c’est bien trop compliqué, personne ne s’y risquera ! À l’heure où on débat passionnément pour savoir si le genre est inné ou acquis, vous pensez bien qu’un sujet comme les préférences personnelles ne présente d’intérêt pour personne…
Notez, entre parenthèses, que pour ce qui concerne le sexe des anges personne n’a encore tranché de manière définitive.
Les problèmes
Toute ironie mise à part, j’en vois plusieurs.
Le premier est bien sûr l’exploitation qui est faite de ces résultats : « vous voyez, les hommes ont des critères inconscients irréalistes, il ne faut pas qu’ils s’étonnent d’être célibataires » — c’est par un message de ce type que j’ai pris connaissance de cet article sur Threads. Et, bien sûr, de cracher sur LES hommes (ou ces 48% d’hommes), qui sont bien sûr la cause de tous les maux — non seulement ceux qui affectent le monde dans son entier, mais aussi ceux qui les touchent eux-mêmes —, et qui passent leur temps à se plaindre des conséquences de ce qu’ils ont eux-mêmes provoqué.
Ensuite, la méthodologie. L’échantillon est de 2000 répondants volontaires, sélectionnés par la méthode des quotas. À titre personnel, vu mes résultats en statistiques il vaut mieux que j’évite d’essayer de vous l’expliquer, mais a priori c’est du sérieux, tous les instituts de sondage utilisent cette fameuse méthode. C’est tout de même celle qui permet de savoir avec un degré de précision rare qui sera notre prochain Président de la République deux ans avant l’élection, ce n’est pas rien (et tant pis s’il ne se présente pas à l’élection) ! Ce qui me fait tiquer, c’est la mention « par questionnaire auto-administré en ligne ». C’est peut-être valable, mais je n’arrive pas tout à fait à m’empêcher de penser que des personnes qui acceptent de se voir auto-administrer le questionnaire d’un sondage sont peut-être tout de même assez spécifiques. Sont-ils eux-mêmes des clients de la plate-forme qui ont bien voulu répondre à un questionnaire ? Ou des personnes qui sont tombées sur ce sondage en allant se balader sur le site de l’IFOP ? Des personnes qui ont répondu à un mailing en masse ? On ne le saura jamais… Bon, il faut bien que l’Institut de sondages puisse faire son travail…
Ensuite, il s’agit de réponses à des questions, destinées à un site de rencontres. Ces sites font commerce de leur capacité à trouver la personne qui répond aux critères qu’on leur donne — que cette capacité soit vraie ou fausse n’est pas l’important, ce qui compte, c’est que les hommes qui vont payer pour les utiliser y croient. Qui a sa checklist sur lui quand il rencontre quelqu’un ? « Ah zut, je m’entendais vachement bien avec cette fille rencontrée par hasard à une soirée, en plus je la trouve vraiment jolie, mais c’est dommage, elle est brune et je cherche une blonde ! ». Le comportement est plausible, mais ne me semble pas correspondre à la majorité, en tout cas je suppose qu’un individu normalement constitué va peut-être penser ça une fois, avant de lâcher l’affaire en réalisant qu’il avait été trop stupide. Pardon… c’est comme ça que moi, j’aurais réagi si j’étais tombé dans cette situation.
D’ailleurs, moi. On m’aurait posé la question quand j’avais 18 ou 20 ans, j’aurais dit que je ne me voyais pas avec quelqu’un comme ma première femme, elle ne correspondait à rien de ce que j’avais envisagé, à aucune des filles avec qui j’aurais aimé être avant d’être avec elle, ni à certains de ces « stéréotypes imposés par la société » dont on parle ici. Elle était plutôt grande (moins que moi, je suis avantagé ici), avait toujours eu des problèmes de poids, et était très complexée par son corps, par sa féminité. Plus tard, elle allait gagner sa vie mieux que moi, au point de me faire quitter un emploi stable et une région que j’adorais pour la suivre. Nous sommes restés ensemble pendant 7 ans. Demandez à un homme s’il envisage de se mettre en couple avec une personne handicapée, il y a de fortes chances pour qu’il vous réponde non. Jusqu’à ce qu’il rencontre une femme, qu’il se rende compte qu’en fait, elle est handicapée, mais qu’il s’en contrefiche, c’est avec elle qu’il veut être… Vision bêtement romantique…? Peut-être, ce qui est sûr, c’est qu’elle ne correspond pas du tout au mode de fonctionnement des agences ou sites de rencontre !
Petit bémol par rapport à ce que j’ai dit au paragraphe précédent : certains des hommes qui ont répondu à l’enquête auraient dit que tel ou tel type de fille, c’est ok pour un plan Q mais qu’ils ne la présenteraient pas à leur entourage… je pense que ça dépend un peu de la capacité de la fille à s’imposer, il s’agit toutefois clairement d’une réalité que je ne peux pas simplement balayer. Permettez que je garde pour moi ce que je pense de ces petites b…, des chansons ont été écrites pour les femmes qu’ils laissent au bord du chemin, si le sujet ne me paraissait pas profondément déprimant j’en ferais peut-être un article.
La communication sur les résultats
Ce problème me semble assez important pour que je lui donne une section à lui tout seul, même si elle est courte. Il se limite à l’article qui a été tiré des données, en pratique je n’ai pas grand chose à dire sur le compte-rendu de l’IFOP. On se plaint des 48% d’hommes qui admettent appliquer des critères identifiés comme « dictés par la société ». C’est rater les 52% d’hommes qui y seraient imperméables ! 52%, c’est plus qu’il n’en faut pour élire une personne au suffrage majoritaire, ça veut dire qu’une courte majorité d’hommes seraient plutôt ouverts à… à quoi d’ailleurs ? Je l’ai dit plus haut : si l’article se plaint des critères de 48% des hommes, il ne dit rien sur ceux de la majorité.
Je suis d’ailleurs plutôt surpris par ce résultat : intuitivement, je penserais que les hommes ayant des préférences marquées devrait être plus nombreux, surtout parmi ceux qui fréquentent des sites de rencontres. Après tout, avoir des préférences me paraît normal, et même plutôt sain. Ou alors les préférences de ces 52% n’entrent pas dans la case « société patriarcale » ? Je crois que le seul moyen de le savoir serait de voir les questions et d’avoir le détail des réponses. Je doute qu’on trouve ces informations si on ne travaille pas pour l’IFOP.
L’angle mort
Reste un point qui me semble profondément critiquable dans l’ensemble de la démarche : à aucun moment on ne sait ce qu’il en est des femmes. Mon petit doigt me dit toutefois que les femmes ont aussi leurs préférences, et que certaines d’entre elles tombent en plein dans la catégorie des « stéréotypes sociétaux ». Des hommes n’ont pas envie d’être avec une femme plus grande qu’eux ? Il se trouve des femmes qui préfèrent être avec un homme plus grand qu’elles. Il y a longtemps, une de mes amies, du haut de son 1,80m, me disait qu’elle avait un regret : ne pas pouvoir poser sa tête sur l’épaule de son chéri de l’époque, qui faisait 10 bons centimètres de moins qu’elle… j’ai un peu perdu le contact, je ne sais pas ce qu’il en est aujourd’hui, je sais juste qu’ils avaient rompu — la taille de monsieur n’était pas en cause dans cette rupture.
Que dire de la question du salaire de monsieur — n’essayez pas de me faire croire que toutes les femmes y sont insensibles —, et parfois de son comportement ? Sans vouloir faire de la psychologie de bas étage, je suis à peu près sûr qu’un certain nombre de femmes préfèrent un homme dominant2, je me trompe peut-être mais je suis prêt à parier que je plupart apprécient d’être avec un homme qui présente des marques socialement associées à de la virilité, j’ai l’exemple de la mienne qui tolère mes bas mais me demande de garder ma disgracieuse fourrure sur mes jambes.
Whataboutisme ? Peut-être, c’est un travers difficile à contrarier. Mais je me pose tout de même quelques questions…
Pour aller plus loin…
Ce dont il est question ici, tout au long de ce compte-rendu, ce sont les préférences personnelles, les goûts et les couleurs, et l’influence qu’a la société sur ces derniers. Ce qui est à mon avis le plus bizarre, c’est qu’on semble découvrir, à travers cette étude, que la société, que la chose médiatique, que le bruit dans lequel nous baignons depuis tout petits, aurait une influence sur nos goûts et nos préférences. Mais… on a besoin d’études pour le savoir ? Qui peut, sincèrement, être surpris par un tel résultat ? Je reconnais qu’il peut être légitime d’essayer de le mesurer précisément, ne serait-ce que pour ne pas dire n’importe quoi sur le sujet, mais est-ce qu’un sondage de ce type permet de répondre à cette question ? J’ai un doute. En attendant, si vous vous interrogez sur notre vision du beau, et si vous avez 45 minutes devant vous, je vous invite à regarder la vidéo suivante, dont je ne résiste pas à la tentation de vous citer juste une phrase qui, à mon avis, répond bien mieux à la question initiale que l’article à l’origine de celui-ci :
La question du poil humain et un exemple parfait d’à quel point la beauté est un parti pris esthétique totalement subjectif, qui reflète seulement les caractéristiques d’une époque
Pour regarder la vidéo, c’est ici :
En ce qui me concerne, je crois que cette petite réaction rapide à chaud a donné beaucoup plus de résultats que ce que j’attendais, j’y ai découvert un sujet beaucoup plus complexe que ce qu’il semblait au premier abord. Il n’est pas exclus que je revienne sur tout ou partie des points évoqués ici à l’avenir !
Bibliographie
Si vous voulez lire l’article à l’origine de ma réflexion, vous le trouverez sur Yahoo News.
Si vous préférez vous référer à la source et aller directement chercher les informations sur l’étude d’origine, voici la page traitant du sujet sur le site de l’IFOP. Les résultats détaillés sont accessibles depuis cette page.
Pour les informations ayant mené à la réalisation de la vidéo, je vous invite à consulter la page associée sur YouTube.
Je ne vous mets pas le thread qui m’a lancé sur le sujet, je considère qu’il est anecdotique ici.

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