Prise de bec

Photo Pexels d'un chat en noir et blanc qui montre les crocs

Je voudrais relater maintenant une petite dispute que j’ai eue, encore une fois, sur un réseau social. Une femme a posté un sujet disant que « Facebook, YouTube et Google Image sont nés de la volonté de profiter du corps des femmes ». La justification pour Facebook était que monsieur Zuk aurait commencé par réaliser un site pour permettre à ses potes de promo de “noter” le physique des étudiantes de son université en utilisant sans autorisation les photos du trombinoscope. Pour YouTube, ça viendrait d’une affirmation d’un des fondateurs du site qui aurait dit avoir été frustré de ne pas trouver facilement de vidéo de l’incident du Super Bowl de 2004 impliquant Janet Jackson. Je passerai sur l’explication concernant Google Image, j’ai dit clairement dans ma réponse que je ne m’estimais pas compétent pour tout ce qui concerne ce service et que j’étais peu motivé pour faire mes propres recherches.

Ma réponse initiale a été inappropriée : j’y ai mis du whataboutisme, en considérant qu’elle voulait, en visant ces sites, viser l’ensemble des sites web. J’ai donc parlé de LinkedIn, de copainsdavant1, de Dailymotion2… Nul et non avenu. J’ai aussi mis en question son affirmation, n’ayant pas pris le temps de me renseigner. Résultat immédiat : repost de ma réponse, avec un “ça sert à quoi de me faire passer pour une menteuse ?”. Du coup, j’ai vérifié, en tout cas sur les deux premières affirmations — comme je l’ai dit, je n’avais aucune envie de creuser le sujet Google Image, cette envie n’est pas venue plus tard.

Facebook

Oui, le premier site de Zuk s’appelait “Facemash” et permettait, en utilisant le trombinoscope, de noter les filles. Pour que ce soit clair par la suite : sur le principe je trouve ça complètement con. Mais à ma connaissance, dans un trombinoscope, on voit uniquement le visage, sauf si les mœurs outre-atlantique sont différentes de celles ayant cours ici…? Du coup, j’ai un peu de mal à voir “l’exploitation du corps des femmes” ici, je trouve que ça ressemble plus à une sorte de blague potache, une idée débile, un manque de respect, si c’est fait à l’insu des principales intéressées (permettez que je doute qu’elles aient été consultées et qu’elles aient pu donner leur accord…). Pour toutes ces raisons, un tel site n’aurait, aujourd’hui, rien à faire en ligne. Reprocher à Facebook d’être issu de ça, c’est comme reprocher à Free d’être issu du minitel rose. Ce qui est, là aussi, factuel. Et d’une certaine manière, exploitait bien plus “le corps des femmes” que l’autre truc. Il y a des raisons de ne pas vouloir passer par Free, mais je pense que celle-ci doit arriver bonne dernière !

Quelle est la filiation entre Facemash et Facebook ? Les deux sites partageaient peut-être, à l’origine, un peu de code. Facemash est-il encore dans Facebook ? J’ai connu le site en 2006 ou 2007, il faudrait que je me reconnecte sur mon compte perso pour voir de quand il date. À l’époque, il ne restait plus grand chose de son origine douteuse, c’était vraiment un site qui permettait d’interagir avec sa communauté, sachant qu’en ce qui me concerne, à l’époque, j’avais rencontré au-moins une fois toutes les personnes qui étaient dans ma liste d’amis, soit qu’ils étaient des membres de ma famille, des collègues d’études ou des collègues de mes premiers boulots. Ce n’est pas vraiment le cas de mon compte Facebook lié à ce site.

Je vous laisse juges : Facebook est-il né de l’exploitation du corps des femmes ?

YouTube

Vérification faite, l’affirmation de la dame est vraie aussi : la chose a été dite par le principal concerné en interview pour USA Today en 2015 — impossible de retrouver en ligne l’article original, mais j’ai trouvé un article qui mentionnait celui-ci. La messe est dite, fermez le ban ? Pas si vite… en fait, il a mentionné un autre événement : à côté de l’incident Janet Jackson, il a aussi parlé des vidéos du tsunami de 2004, qui du fait du grand nombre de téléphones mobiles capables de filmer présents sur la zone, a pu “bénéficier” d’une couverture vidéo exceptionnelle. Vous, je ne sais pas, mais pour moi il y a une différence entre dire : “j’étais frustré de ne pas pouvoir mater le sein de Janet Jackson” et dire “j’ai été frustré de ne pas pouvoir mater le sein de Janet Jackson et revoir une des nombreuses vidéos du tsunami qui a fait parler de lui à la fin de l’année”.

Dans le premier cas, on est clairement dans le voyeurisme le plus décomplexé. Et ceux qui voudraient me répondre que de toute façon il y avait des sites pour les personnes qui voulaient voir des seins en vidéo, je me dois de leur rappeler que nous sommes début 2005, le web n’avait pas tout à fait le visage qu’il a aujourd’hui3. Cependant, en cherchant un peu, on pouvait trouver à peu près tout ce qu’on voulait chercher, sans avoir forcément besoin de plonger dans le Dark Web4. Mais si on met en parallèle le nipplegate5 et le tsunami, j’ai l’impression qu’on va un peu plus loin que le simple voyeurisme. Je peux tout à fait me tromper, mais je pense qu’on a là les deux événements les plus marquants de 2004 aux États-Unis — en France, je crois que nous n’avons pas vraiment compris, sur le moment, l’impact qu’a pu avoir l’accident du SuperBowl, encore un point d’incompréhension avec nos amis d’outre-Atlantique. Sans pouvoir me qualifier moi-même d’éveillé en la matière, je sais quand-même qu’il a eu un impact non négligeable sur la carrière de Janet Jackson6, et surtout qu’il a poussé les chaînes de télévision à abandonner cette idée saugrenue de diffuser un événement en direct, préférant un léger différé permettant en cas d’urgence de cacher ce sein que nous ne saurions voir !

On se retrouve donc avec un homme qui a affirmé avoir eu l’idée de créer un site de partage de vidéos suite à la difficulté de trouver des vidéos sur deux événements, qui sont les événements les plus importants de l’année écoulée. Il se trouve qu’un de ces événements concernait la visibilité accidentelle du sein d’une femme… De là à dire que le site a été construit sur l’envie d’exploiter le corps des femmes, j’ai le sentiment que cette interprétation est un peu abusive… qu’en pensez-vous ?

… et donc…?

Pour ma part, je pense que la lutte pour améliorer la représentation des femmes dans la société n’est pas terminée, et que si de nombreux progrès ont été faits nous ne sommes pas au bout du chemin. Est-ce que la période actuelle est propice au progrès ou non ? L’avenir nous le dira, mais je dois avouer que le type de post auquel j’avais répondu ici me fait craindre le pire. En fournissant une vérité tronquée, entièrement au service d’un narratif, j’ai peur que plutôt qu’éveiller les consciences sur un problème réel, il ne fasse que radicaliser les positions des unes et des autres. Pour à terme empêcher toute idée de discussion, pourtant nécessaire pour pouvoir envisager d’améliorer la situation… Faut-il pour autant éluder ces éléments au prétexte qu’ils seraient gênants ? Surtout pas, ils font partie de notre Histoire, il faut les mentionner ! Mais par pitié, en évitant de les tronquer !

  1. tentative française de proposer un équivalent de Facebook, avec une dimension sociale beaucoup moins développée que Facebook, pour être honnête je ne sais pas si le site existe encore… ↩︎
  2. pour le coup, véritable concurrent de YouTube à l’origine, et lancé à la même époque, février 2005 pour YouTube, avril 2005 pour Dailymotion. Permettez que je zappe mon explication sur le fait que Dailymotion ait échoué à réellement concurrencer YouTube. ↩︎
  3. l’un des plus célèbres sites de partage de vidéos X est né en août 2006, soit plus d’un an après YouTube, qu’il parodiait en partie. ↩︎
  4. je crois d’ailleurs que cette expression est née bien plus tard. ↩︎
  5. c’est ainsi que l’événement a été nommé par la suite, vous le trouverez d’ailleurs sous ce nom sur Wikipédia francophone. ↩︎
  6. de façon fort injuste, son partenaire de scène du moment, Justin Timberlake, n’a pas subi de répercussion immédiate, même si ça commence tout doucement à sortir. ↩︎


11 réponses à « Prise de bec »

  1. Il y aurait tant à dire sur ce genre de « réponse » (en fait c’est une discussion à un sens…) qu’il y a de quoi faire un bon nombre d’articles.
    Mais c’est gaspillage de temps et d’énergie réelle (tant humaine que électrique et co).
    Je pense qu’il y a, heureusement !, des progrès qui se font.
    Mais ce genre de personne fait que ces mêmes progrès sont ralentis, voire pire, bloqués.
    Un comble !
    La nature humaine…

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    1. Effectivement, on peut parler de discussion à un sens, dans la mesure où je n’ai pas reçu de réponse à ma remarque, j’ai été directement affiché. J’en ai profité pour faire amende honorable sur le whataboutisme.
      Est-il utile de répondre ? Le format « fil » n’est pas exactement le plus adapté, dès qu’il faut amener un peu de nuance c’est vite très compliqué. En fait, si vous voulez convaincre la personne qui a posté, c’est mort : le propre d’un militant est d’être imperméable à tout argument rationnel. Par contre, les écrits peuvent être lus par d’autres, c’est là qu’il est utile d’agir. Peut-être. Si le Saint Algo fait remonter le sujet, pour une raison ou pour une autre. Bon, d’accord, là, c’est pas gagné 😁

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  2. Aux États-Unis des années 90 — je ne sais pas maintenant — il était souvent le cas qu’aux universités, l’école elle-même publiait ce qui s’appelait soit un « facebook » soit « lookbook », avec les photos de tous les nouveaux élèves. Juste les visages, pour être clair — on a dû soumettre une telle photo avec sa candidature. C’est vrai que Zuck avait de mauvaises intentions aussi, mais je suis 100 % certain que cette interlocutrice ne savait pas que c’était le cas.

    Quant à YouTube, il y avait plein d’usages envisageables dès le départ. J’entends souvent parler que la moitié de tout trafic sur Internet aux États-Unis est de la pornographie. Mais est-ce que YouTube est le support pour ça ? Absolument pas. Je connais — ou suis, j’oublie parfois — un type qui enregistre parfois des chansons en français pour les partager sur YouTube. L’idée d’un service pour partager des contenus vidéo est plutôt évidente, mais quelqu’un allait être le premier à l’offrir. La technologie, est-elle maudite si cette personne était moins qu’un ange ? Je pense que non.

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    1. J’avais aussi un trombinoscope dans mon école d’ingénieur, à la fin des années 90 — c’est à lui que j’ai identifié le “facebook” qui aurait été piraté par Zuckerberg. Et très clairement… je trouve qu’associer ces photos au “corps des femmes”, ça relève de l’acrobatie de haut vol. Si je devais faire un aveu, je dirais qu’il m’est arrivé de rêver à certaines filles du trombi… j’en ai connu certaines, comme amies ou fréquentation, mais je n’y ai pas trouvé ma première femme, celle-ci allait être dans le trombi de l’école d’en face, auquel je n’avais pas accès 😁

      Pour la pornographie sur YouTube, je crois qu’elle en a été bannie très tôt — au tout début, il devait y en avoir mais il ne me paraît pas absurde d’imaginer que c’est une des premières choses qui ont été filtrées. Après, je dois avouer que je ne sais pas quand j’ai commencé à fréquenter cette plateforme mais ça a dû être bien plus tard, je ne pense pas avoir connu le YouTube du début (contrairement à Google, qui a très très vite replacé Altavista pour moi).

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  3. Now there are lots of social media apps some are very popular like facebook, youtube, instagram. There may be some difference between them but people are living on them. Well shared 💐

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    1. Thanks!
      For sure, it seems that for some people those social networks are an important part of their lives, or of their identity itself. I don’t think it is a good thing…

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      1. Welcome.
        youtube.com/@pritilatanandi2010?si=omkZ4bDRIc8sCwsPl

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  4. Le jour où hommes et femmes comprendront qu’ils ne sont pas obligatoirement en guerre permanente pour la suprématie sur l’autre, mais peuvent être, et avec bonheur, complémentaires, l’humanité aura fait un grand pas.

    En attendant tant que certaines femmes continueront à jouer de leur soit-disant fragilité pour se faire entretenir, il est certain que toutes pâtiront du fait que les messieurs nous verrons globalement comme des démons femelles en puissance.

    Attention, acquérir son indépendance ne veut pas dire non plus, virer dans l’autoritarisme, ni se venger des siècles de statut de chose, parce qu’il faut aussi se rappeler que ce sont les femmes qui font les machos par l’éducation qu’elles donnent à leurs garçons (et elles n’aiment pas que ce soit dit !), mais aussi élèvent souvent leurs filles de façon à perpétuer leur dépendance…

    Fruit de quelques expériences et d’une vie d’observation des travers humains… 😦

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    1. Je ne saurais mieux dire, je crois qu’il n’y a rien à ajouter… ou à enlever !

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      1. Il faut parfois le dire… après pour ta passion pour le nylon, même très indépendante une femme peut s’y prêter, dans le cadre d’un jeu à deux librement consenti, bien évidemment, sans tomber dans le camp des victimes ! 😉

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      2. Oui, c’est exactement de cette manière que je l’entends. Oh, j’ai bien entendu certaines personnes affirmer que le port des bas est une marque de l’assujetissement de la femme au « patriarcat »… je connais personnellement assez peu de femmes qui en portent régulièrement, mais celles dont j’ai pu entendre parler ne semblent pas trop cadrer avec cette image de soumission, j’en ai tiré un article d’objection.

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