Vous le savez, je me balade régulièrement sur certains réseaux sociaux. Quand j’ai répondu à deux ou trois commentaires, je n’y cherche en général pas grand-chose, ce qui m’évite bien des déconvenues, il m’arrive toutefois d’y trouver des sujets très intéressants. Notamment la publication dont je voudrais vous parler ici.
Nous sommes en présence de la publication d’une femme, qui déplore la quasi-disparition d’un vêtement. Elle explique cette situation, qu’elle semble trouver regrettable, par différents facteurs : ça en montre un peu trop, on n’a plus l’habitude, c’est trop fragile, et puis ce n’est pas très confortable. Elle se propose d’évoquer chacun de ces arguments dans de futures publications. À l’époque, je n’ai pas eu le réflexe de la suivre, je ne sais pas si je le regrette aujourd’hui. Il faut dire tout de même que le vêtement dont elle parlait n’est pas vraiment mon préféré, même s’il présente quelques qualités.
Cependant, je ne sais pas vous, mais moi ce qu’elle a pu dire dans sa courte vidéo, du moins ce que j’en ai résumé dans le paragraphe précédent, a réveillé quelques échos, vous devez vous en douter. Après tout, depuis que j’ai commencé à écrire ici, ces sujets occupent une bonne partie de mes articles ! Il y a toutefois une différence importante : moi, je parle de bas. Elle parle… de collants. Et à la réflexion, ça se tient.
Réflexions sur le marché
Les bas et les collants sont-ils sur le même bateau ? Pas vraiment : les premiers sont sur une chaloupe quand les seconds occupent un paquebot, si je chausse ma lorgnette « nylon » ce ne sont même pas les mêmes fabricants. Ces bateaux coulent-ils ? Il me faudrait les chiffres de vente du secteur pour le savoir, il se trouve que je ne les ai pas, mais j’ai l’impression que pour les bas les producteurs, s’ils ont fortement réduit leur production, s’en sortent plus ou moins. Surtout ceux qui ont réussi à préserver un savoir-faire très spécifique, difficile voire impossible à reproduire avec des techniques modernes plus efficaces. Pour les collants, la concurrence est rude, les usines asiatiques tournent à plein, inondant un marché qui n’en demande plus tant de produits basiques — ceci étant, la demande intérieure chinoise pour des produits basiques est forte aussi, m’est avis qu’elle fournit un important débouché pour les usines locales.
Il existe encore quelques usines en Europe. Je ne parle pas de mes suspects habituels ici, eux travaillent avec du nylon, ça semble être assez spécifique. Non, je reviens aux marques grand public : Dim1 et Well2 qui produisent en France, Wolford en Autriche, Fiore en Pologne, sans parler de toute la confection italienne (Calzedonia, si ça vous parle, mais beaucoup de sous-traitants aussi), je suis certain d’en laisser de côté, n’hésitez pas à les ajouter en commentaire ! Ces usines tiendront-elles ? Rien n’est jamais garanti, après tout, Gerbe, « Entreprise du Patrimoine Vivant » français (c’était un titre officiel, pas un label que je lui décernerais par nostalgie), a fini par fermer, après avoir été rachetée par… un fond d’investissement chinois3, qui a décidé à un moment d’arrêter les frais…
Réflexions sur les problèmes
Je l’ai dit, la dame évoquait principalement 3 problèmes, je vais peut-être y aller de manière basique et les prendre un par un, en évoquant comment ils s’appliquent aux collants — basé sur mon observation — et aux bas, par l’expérience.
Ça en montre trop.
Excusez-moi, à titre personnel je penserais le contraire, le collant ne montre rien, il est fermé. « Bas sans issue », c’est ainsi que les appelait Yves Riquet, la partie haute d’un collant est aussi aimable qu’une porte de prison. Je précise que j’affirme ça sans porter aucun jugement sur celles qui choisissent de le porter, pour rappel mon épouse en fait partie et c’est un défaut que je lui pardonne bien volontiers ! Tout ce que montre le collant, c’est la forme des jambes. Au même titre qu’un leggings ou un pantalon de sport, j’invite tous ceux qui estiment que ça serait trop à aller consulter de toute urgence, ils ont visiblement un problème. Ou ils sont nés à la mauvaise époque : c’était effectivement trop en 1890, à la fin d’un siècle qui n’a pas brillé par la place qu’il a faite aux femmes, même si deux d’entre elles ont régné sur de grands empires à l’époque4.
Non, franchement, à mon avis le collant n’en montre trop que quand il est associé à un vêtement… trop court, qui permet d’identifier sans conteste qu’il s’agit bien d’un collant. Mention spéciale à cette mode de porter un collant opaque avec un short en hiver, je trouvais ça du plus haut ridicule quand l’idée est apparue dans les rues, de mémoire au début des années 2000. Je crois que je m’y suis habitué.
C’est fragile
C’est vrai. Et en plus, au moindre accroc, vu que souvent ça file sur une grande longueur, ça part au rebut — poubelle le plus souvent, recyclage peut-être, ou réutilisation. Sauf pour faire un look particulier. De mémoire, j’ai dû croiser plusieurs femmes portant des collants ces derniers jours, qui avaient justement un tel accroc. Problème de notre époque : ces vêtements sont devenus si peu chers qu’on ne les répare plus, je crois qu’on ne sait même plus le faire. Les bas sont-ils aussi fragiles ? En nylon, je trouve que non, même s’il existe de mauvaises séries. Quelques-unes de mes paires ont filé très vite — m’imposant de trouver un nouveau compagnon dans la même série —, d’autres tiennent depuis que j’ai commencé à les porter. Avantage du bas : en achetant 4 jambes, vous avez virtuellement 3 paires. Avec le collant, vous n’en aurez que 2.
Notez que l’épaisseur entre aussi en compte : un bas 15 deniers ou moins sera toujours plutôt fragile, ça sera moins le cas pour un bas plus épais. J’avoue ne pas avoir essayé de collant épais, mais je suppose que la même règle s’applique.
Le confort
Gros morceau, donc section dédiée. En plus Google m’a dit qu’il faut mettre des titres, alors j’en mets !
C’est inconfortable.

Alors là, je ne l’ai pas vécu directement, même si ma dernière expérience avec un caleçon long n’a pas été des plus heureuses. Mais à une réunion familiale récente ma nièce, dans sa prime vingtaine, est venue vêtue d’un collant épais et d’un short (parce-que 20 ans plus tard, ça se fait toujours…). Ça avait l’air d’aller pendant l’apéritif, mais à partir du début du repas et jusqu’à la fin de la journée elle a passé son temps à se réajuster — le haut de son collant, entre les jambes et la culotte, était un peu ajouré, on voyait clairement à quel point les jambes tombaient… ce jour-là je portais une paire de bas Tentation. On n’est clairement pas dans l’entrée de gamme, mais si je les ai repris quelques fois aussi ces petits ajustements étaient moins fréquents et beaucoup plus légers que les siens. J’admets toutefois que mes coutures étant invisibles sous mon pantalon, je n’ai pas eu besoin de m’assurer de leur rectitude. Ma nièce, pour sa part, n’avait pas de coutures à gérer.
Vous me direz : un exemple ne fait pas une généralité, et je serai forcé de vous donner raison. Mais j’en ai un autre, tout récent : une femme aperçue ce matin5, avec collant fantaisie et mini-jupe, dont l’attitude montrait qu’elle regrettait un peu son choix et présentait une combinaison de « ça montre trop » et « c’est pas confortable » : elle marchait dans la rue et essayait, tous les quelques pas, de redescendre l’avant de sa mini-jupe. Mais le problème ici n’était pas le collant, plutôt sa jupe qu’elle semblait estimer trop courte — sur ce point, mon opinion est la même, bien que celle-ci n’ait eu aucune incidence d’aucune sorte. Après, je pense qu’elle n’était pas très habituée de ce genre de tenues : son collant présentait des coutures apparentes à l’arrière, mais si sa jambe droite était parfaite, pour la gauche c’était une autre histoire : sa couture partait visiblement du côté gauche de son pied… bref, inconfort ici d’une tenue peut-être inhabituelle ou non maîtrisée. Serais-je encore tombé dans le hors sujet ?
En tout cas, au vu de ce que j’ai dit plus haut, j’ai quand-même l’impression que le collant n’est pas si confortable que ça. Me revient en mémoire une autre discussion sociale récente, où une femme faisait un sondage sur la gestion de la jupe aux toilettes. Ayant (un peu) expérimenté la chose, je me suis permis de répondre : pour ma part, je la remonte et je n’ai jamais eu l’idée de la descendre — de ce point de vue, on ne fait pas mieux que les bas. Et puis, bien plus tard, j’ai réalisé que cette réponse qui m’avait semblé évidente ne l’est pas tant que ça, quand il faut gérer un collant… bon, avec une culotte taille haute, ça sera un peu pareil. Bref, d’un point de vue pratique, je trouve ce vêtement assez inconfortable, le seul avantage réel du collant par rapport au port des bas, est sa relative discrétion quand il est porté avec un vêtement court — jupe ou short.
D’où venons-nous ?
Au commencement, la Terre était… Ah, pardon, je suis peut-être remonté un peu trop loin, là, d’autant plus que ce début-ci est tout aussi douteux que les autres… permettez que je fasse preuve d’honnêteté : je vais, cette fois encore, baser mon argumentaire sur mon expérience personnelle. Après tout, je ne rédige pas une thèse en sociologie, et je n’ai même aucune prétention à la généralisation ici, non, ce que dont je veux parler ici, c’est : d’où je viens. Histoires familiales à venir !
Je suis né à la toute fin des années 70. À l’époque, mes parents allaient tout doucement vers leur quarantaine, ce qui signifie que la génération de mes grands-parents était née dans le premier quart du XXe siècle. J’ai fréquenté des représentants de cette génération en gros pendant mes 20 premières années. Dans mes souvenirs, ma grand-mère, ma grande tante étaient toujours élégantes, mais je ne crois pas les avoir jamais vues en pantalon ou jambes nues — ma grande tante fabriquait même parfois ses vêtements elle-même, avec des tissus qu’elle achetait au Marché Saint Pierre lors de virées chez sa sœur à Paris. Quant à mes grands-pères ou mon grand-oncle, quand on leur rendait visite ils portaient souvent une tenue décontractée, à base de bleu de travail ou de tablier de cuisine. Par contre, quand ils venaient chez nous ou quand ils sortaient, le costume était de rigueur — ils pouvaient le porter en costume 3 pièces ou avec un gilet en laine, quoi qu’il en soit il était toujours accompagné d’une cravate.
Je précise que si tous ces gens vivaient correctement, c’était plus parce-qu’ils géraient correctement ce qu’ils avaient qu’à cause de revenus important : tous à la retraite, ceux dont je parle avaient été enseignants, fonctionnaires, employé à SNCF ou jardinier municipal, on reste assez loin de la haute bourgeoise.
Sautons à la génération suivante : dans ses dernières années, ma mère ne portait plus que des pantalons. Quant à mon père, il ne porte une cravate que quand il y est obligé. Voilà pour ma famille.
Évoquons maintenant un autre milieu : mon environnement professionnel. Si je vous dis : travail de bureau dans une grande entreprise en région parisienne, principalement des cadres et des ingénieurs, beaucoup de sociétés de service…? Les costumes, en cette année 2025, sont relativement rares. Avantage : quand ils sont présents, c’est souvent par choix, donc plutôt bien portés. Niveau féminin, il semble que le tailleur — jupe ou pantalon — ait fait son temps. On le voit encore parfois, mais il est réservé aux grandes occasions. Les tenues de ces dames sont toutefois plus variées que celles de ces messieurs. Ça n’a rien de nouveau, mais l’élégance qui était de règle il y a encore 40 ans n’est absolument plus une obligation aujourd’hui. Victime collatérale ? Chez ces dames, le collant, bien sûr. En porte-t-on moins aujourd’hui que par le passé ? Très certainement. Est-ce voulu ? Il est permis d’en douter, c’est simplement que les exigences sociales en termes de vêtements sont peut-être moins strictes aujourd’hui qu’elles ont pu l’être. Est-ce un problème ? Pour les fabricants, sans doute. Pour les autres…

Ouverture
À l’heure où je rédige ces lignes, je suis à la fin de ma journée6. J’ai emprunté les transports en commun, j’ai marché, et j’ai observé. Dans les trains, le pantalon est ultra-majoritaire. Une de mes voisines du matin portait sans doute des mi-bas sous son pantalon, les autres femmes que j’ai pu croiser dans cet environnement semblaient plutôt appartenir à l’équipe « chaussettes ». Dans les rues proches de mon lieu de travail, par contre, on était plus sur du 50/50 : une moitié des femmes vues en pantalon, l’autre moitié en jupe et collant, plutôt épais, il ne faisait pas chaud. Est-ce la fin du collant ? Ce n’est pas ce que m’ont dit mes yeux. Mais j’étais dans un quartier de bureaux. Je l’ai dit plus haut : la réponse est dans les ventes du secteur. Mais moi, je ne l’ai pas…
Les photos d'illustration de cet article viennent toutes de Pexels.
- entreprise française possédée par un fond d’investissement US, la production peut aussi venir de Roumanie ↩︎
- entreprise qui semble être 100% française, entre 60% et 80% de la production est faite dans les Cévennes ↩︎
- Tianci Hot Springs entre 2015 et 2020, année du dépôt de bilan et de la liquidation — source Wikipédia FR. ↩︎
- Je pense à Victoria pour l’Empire Britannique et Cixi en Chine, bien que cette dernière n’ait été « que » concubine impériale. ↩︎
- celui du jour où j’ai rédigé ce passage, bien sûr, donc a priori le 10 novembre 2025. ↩︎
- la même qu’à la note précédente ↩︎

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