La guêpière m’embête, la guêpière me gêne. Non que je ne l’aime pas, je trouve qu’elle peut être très seyante — allons, n’ayons pas peur des mots, parfois magnifique ! Non, en fait, ce qui m’embête, c’est une question de définition : on ne sait plus vraiment ce que c’est, aujourd’hui, ce qui est vendu sous ce nom relève plutôt du jouet…
Définition : tentative
J’ai fait ma première rencontre avec la guêpière moderne à travers… des catalogues. À l’époque, je voyais ça comme une sorte de porte-jarretelles un peu plus grand, un peu plus chaud peut-être, qui montait plus haut – d’une certaine manière la version « hiver » du porte-jarretelles. Ce en quoi je me trompais lourdement : la guêpière vendue dans ces catalogues n’était pas un porte-jarretelles montant, c’était plutôt un bustier descendant, qui était en général muni de 4 jarretelles, habituellement amovibles. En tant que bustier, c’est en pratique un sous-vêtement destiné à tenir la poitrine, elle est systématiquement munie de bonnets pour les seins, souvent des balconnets à armatures. Elle peut venir avec ou sans bretelles.
Je vais être honnête : en rédigeant cet article je me suis beaucoup posé une question simple : qu’est-ce qui différencie une guêpière d’un corset ? Après tout les deux soulignent et affinent la taille, soutiennent la poitrine et peuvent être munis de jarretelles, bien qu’elles soient assez rares sur les corsets modernes. Une personne m’a suggéré qu’une guêpière serait tenue en place par des agrafes et un corset par un laçage. Est-ce que ça marche ? À mon humble avis, qui ne vaut toutefois que ce qu’il vaut, pas forcément. Un corset peut venir avec laçage et agrafes, si je ne m’abuse ça sera le cas de bon nombre de corsets modernes, pour pouvoir les enlever sans devoir refaire le réglage avec le lacet — j’ai aussi vu chez Cadolle des corsets munis d’une fermeture éclair en plus du lacet. De même, on trouve des guêpières lacées, ça donne un style plutôt sympa, un peu ancien. Mais je refuse de qualifier de « corset » une pièce de lingerie toute de dentelle fine. Pour tout dire, mon serre-taille préféré est muni d’un laçage, il ne me viendrait pas à l’esprit de le qualifier de guêpière !
En pratique, c’est beaucoup plus simple : historiquement, une guêpière est un type de corset. Un peu particulier : elle combine le soutien-gorge à armatures, le corset et le porte-jarretelles en un seul ensemble1. L’élément caractéristique qui, à mon avis, permet de distinguer la guêpière du corset classique est donc plutôt la présence ou non de bonnets pour les seins : s’ils sont présents, c’est une guêpière. Si non, c’est un corset classique, qui tiendra la poitrine par un simple effet « push-up ». Les guêpières ont fleuri à une époque où l’usage était de n’avoir que quatre jarretelles, il est donc rarissime d’en trouver avec plus de jarretelles. En tout cas, j’ai fait une rapide recherche, sur des sites grand public on en trouve peu : j’ai dû aller par exemple chez What Katie Did et chercher leur modèle Merry Widow, qui est une reproduction d’une guêpière des années 50.
Un peu d’Histoire
Historiquement, la guêpière (dans une version qu’on qualifierait aujourd’hui de vintage) est indissociable du New Look, caractérisé par la silhouette féminine en sablier proposée par Christian Dior après la seconde guerre mondiale. Elle servait à soutenir la poitrine, affiner la taille et, vu qu’elle était là et qu’elle répondait à un vrai besoin, à tenir les bas. Pour cette dernière mission, elle a sur le porte-jarretelles l’avantage de sa taille : quand le second fait porter tout le poids des bas sur les hanches, la première le tient avec toute sa structure. Croyez-moi, en fin de journée, ça compte ! Un détail qui n’en est pas un : une guêpière des années 50 n’a rien à voir avec les machins modernes : à l’époque, elles étaient véritablement des corsets, fabriqués par des corsetiers qui connaissaient leur travail. Les guêpières avaient encore la capacité à affiner la taille. Aujourd’hui, les tissus utilisés en prêt à porter lui permettent au mieux de la souligner.
Dans la culture…
Est-il utile de parler de l’image de la guêpière dans la culture populaire ? J’avoue n’avoir pas fait d’étude sociologique avancée, j’ai juste ouvert les yeux — forcément, je suis un peu à l’affût, à défaut d’en voir chez ces dames, ce qui supposerait un niveau d’intimité que je n’ai pas, je les regarde avec plaisir quand je les trouve dans des livres ou dans des films. Si mes souvenirs sont bons, la mascotte d’AC/DC pour l’album Ballbreakers était “Lady Ballbreakers”, une femme portant fouet et guêpière. Je me souviens aussi d’une citation, que je crois venu d’un livre de Philippe Vandel lu chez mes parents dans mon enfance2, qui disait quelque-chose comme : « elle fouette en guêpière » — je ne sais plus de qui il parlait. Je précise, ça surprendra peut-être des personnes qui connaissaient l’homme pour son émission mensuelle qu’il n’y avait par ailleurs rien de sexuel dans le livre en question3.
Dans mon souvenir, elle portait une guêpière, mais je dois avouer que le souvenir en question n’était pas des plus frais, au temps pour moi, c’est un body porte-jarretelles ! J’ai tout de même fini par retrouver ce CD, le premier que j’ai acheté d’AC/DC plus ou moins au moment de sa sortie.
Ça ne fait que deux éléments, c’est maigre, mais ça dresse le portrait d’une pièce associée au monde SM. On était dans les années 90, est-ce que ça a changé depuis ? Ne fréquentant pas vraiment les milieux SM, je ne crois pas pertinent de m’avancer sur le sujet. Autre occurrence d’une guêpière au cinéma : dans le film Les Petits Mouchoirs, on voit Pascale Arbillot, dans le rôle d’Isabelle, essayer de reconquérir son amoureux en plein doute en tentant le tout pour le tout, avec bas, string et guêpière noire. Pour un résultat décevant lui donnant au final un air ridicule. Je ne vais pas citer la magnifique Sophia Loren dans Les Dessous de la millionnaire (“The Millionairess”, pour le titre original), je ne connais qu’une photo de ce film, mais quelle photo4…!
Autre ambiance, autre film : cet épisode de James Bond où l’envoûtante Monica Bellucci s’effeuille devant Daniel Craig, Spectre… Aussi, pour l’anecdote, je l’ai mentionné dans mon article sur Nightwish, une des tenues de scène de Floor Jansen avec ce groupe est directement inspirée d’une guêpière. Au passage, quand elle se produit sur ses albums solo, en dehors de Nightwish, elle porte des tenues beaucoup plus sobres.
Intuitivement, instinctivement, j’associe la guêpière à une femme qui sait ce qu’elle veut, qui sait ce qu’elle vaut et qui sait jouer de tous les atouts que lui donne sa féminité pour l’obtenir, sans en renier aucun. Parce-qu’elle sait comment conquérir et régner sur le cœur des hommes.
En acheter ?
Je n’ai pas vraiment de recommandation ou de marque permettent aujourd’hui d’acheter une guêpière de qualité correcte. Oh, c’est sûr, on en trouve dans les magasins de lingerie, les principaux fabricants en ont tous plus ou moins une à leur catalogue. Oui, mais… enfin, quel est le problème ?
J’en vois deux :
- L’étoffe utilisée en prêt à porter basique aujourd’hui ne donne qu’un maintien médiocre, bien loin du côté « corset » des guêpières vintage
- Et surtout… vous avez vu ces jarretelles ? Non, mais franchement, c’est pas sérieux de vouloir vendre sans rire des trucs pareils !
On pourrait ajouter un 3e élément à charge contre les productions contemporaines : la guêpière conjugue un bustier, un corset et un porte-jarretelles. Pour qu’elle soit bien adaptée et confortable, dans l’idéal, il faut donc prendre beaucoup de mesures, qui diffèrent significativement selon la personne qui la portera : tour de poitrine, taille des seins (bonnets), tour de taille et parfois tour de hanches. Pensez-vous qu’une guêpière “95C”, “L” ou “40” prenne tous ces éléments en compte…? Vous allez me dire que je chipote et que de toute façon, elles sont en nylon et en Lycra — pardon, en polyamide et élasthanne, mais ça revient au même. Elles sont extensibles. Oui, mais du coup côté maintien, ce n’est pas le même effet… elles souligneront des formes existantes, elles ne vous aideront pas à sublimer une silhouette idéale.
Je me dois d’ajouter un détail qui a son importance, pour enfoncer le clou : les guêpières sont arrivées à une époque où on savait faire de bons porte-jarretelles. Ils n’avaient que 4 jarretelles, mais elles étaient correctes. Aujourd’hui, un porte-jarretelles à 4 jarretelles sera très souvent plutôt mauvais, on ne fabrique plus qu’exceptionnellement des bonnes jarretelles, et elles sont utilisées par ceux qui savent les faire et en mettent 6 (ou 8, ou 10, ou…). D’après ce que j’ai pu voir avec mon porte-jarretelles Dita, en passant à 6, même fines, la charge est un peu mieux répartie et ça tient mieux. Sauf que pour les guêpières, au vu de leur construction, les fabricants en sont restés à 4. Mais avec des jarretelles « modernes », de 1cm de large. Même celles vendues par la marque Dita. Je doute de jamais en essayer une, j’ai trop peur d’un mauvais maintien — c’est tolérable pour tester une pièce à 30€, moins pour une pièce 3 ou 4 fois plus chère, surtout si je me dis que pour à peine plus cher, j’en aurai une décente chez Katie, à condition de trouver la bonne taille…
Bref, pour avoir une bonne guêpière, c’est compliqué, il faut y mettre le prix… Forcément, soyez sérieux et prenez soin de vous : oubliez les sites de « fast fashion » !
Pour conclure…
La guêpière m’embête… C’est une pièce de lingerie magnifique, j’ai déjà repris à mon compte l’expression disant que les bas sont « une arme de séduction massive », s’ils sont tenus par une guêpière bien portée ils sont une arme fatale, devant laquelle un homme ne peut que s’incliner… et me voilà de retour dans le sujet de la domination !
De mon côté, si mes moyens me le permettaient je n’ai rien contre l’idée d’en reporter. Ça risque de ne pas être pour tout de suite !
L'image d'illustration est, évidemment, une photo NylonPur où la modèle porte un superbe modèle de guêpière vintage.
Sur la deuxième, j'avoue un léger doute, il peut peut-être s'agir d'une gaine, le soutien-gorge semble aller dans ce sens, mais je trouve qu'elle descend peu pour une gaine.
Vient ensuite le dessin de l'album d'AC/DC, là, on n'a pas de guêpière du coup... puis la photo Pexels, montrant une guêpière de facture moderne. Vous pourrez en trouver de ce type dans les magasins classiques. Est-il utile de vous recommander de les fuir ? Elles ne peuvent pas tenir correctement les bas.
Enfin, en conclusion, une nouvelle photo NylonPur, qui a décidément dans son stock de superbes exemplaires de guêpières ! Et encore, j'en ai gardé quelques unes, je vous les partagerai... une autre fois !
Les autres articles de la série
- cette définition ne sort pas de mon chapeau mais d’un ouvrage de Caryn Franklin édité aux éditions Larousse, ajouté récemment à ma bibliothèque. Elle semble plutôt correspondre aux modèles anciens. Jean-Marie Lautre la décrit comme « un allégement du corset […] conçue de manière à attirer l’œil avec force dentelles et éléments décoratifs », ce qui ressemble beaucoup aux guêpières modernes. ↩︎
- « Le dico franco-français », encore disponible dans les bonnes librairies d’occasion, à cause duquel je rigole toujours dans une certaine de supermarchés parce-que j’y imagine quatre benêts croisant le fer au rayon volailles ! ↩︎
- il était le présentateur du « journal du hard », l’émission de Canal+ qui a fait vendre bon nombre d’abonnements à cette chaîne dans les années 90 ! ↩︎
- si elle ne vous dit rien, je vous laisse faire vos propres recherches ! ↩︎
Chemin de soie 
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